S’il ne devait en rester qu’un, ce serait celui-là. Spa-Francorchamps – où le paddock fera son retour le 28 juillet - est un circuit de légende et un enchaînement le prouve : le Raidillon, cinquième virage et mythe éternel des combats mécaniques.
« Il y a un moment où l’on ne voit que le ciel »
Il faut s’imaginer calé dans une monoplace, au ras du sol, pour prendre la mesure de cet enchaînement spectaculaire. Il débute par une longue descente vers le virage de l’Eau Rouge, en référence à la rivière qui coule à proximité du circuit. Après cette courbe rapide, place à la montée. Un mur d’asphalte de 240 mètres, à 17 %, avec 24 mètres de dénivelé, soit l’équivalent d’un immeuble de 8 étages. Le tout, à avaler à plus de 300 km/h !
Pour les pilotes, la subtilité est ailleurs : en bas du Raidillon, impossible de voir ce qui se passe au-dessus. « Il y a un moment où l’on ne voit que le ciel », souligne Daniel Ricciardo. Alors, il faut savoir anticiper, trouver le bon point de corde pour redresser sa machine et poursuivre sa route. Double champion du monde avec McLaren (en 1998 et en 1999), Mika Hakkinen expliquait : « tu es obligé de te faire confiance. Au pied de la colline, tu dois savoir exactement quoi faire et connaître le bon angle pour tourner. »
À jamais le premier
Ce fin dosage en matière de pilotage a traversé les époques et vu l’automobile se transformer. Le Raidillon est en effet le premier virage artificiel de l’histoire de la course automobile. C’était un autre temps, celui où des voitures s’affrontaient entre des ballots de paille. En 1939, le public belge, déjà passionné de sport automobile, découvre cette incroyable montée. En cause ? La volonté de l’Automobile Club de Belgique de remplacer un virage à 180° qui posait problème car sa disposition ne permettait pas à tous les spectateurs de pouvoir le voir. Les organisateurs ont donc bâti cette montée, un shoot d’adrénaline qui peut être admiré par tous, des deux côtés de la piste.
Le Raidillon est né et la légende est en marche. S’il est si spectaculaire, c’est aussi parce qu’il tutoie le danger, parce que les pilotes ne sont jamais sereins à 100% avant de s’élancer dans cette portion du « toboggan des Ardennes ». En 1993, l’Italien Alex Zanardi disloque totalement sa monoplace en haut du « mur ». En 1998 et en 1999, c’est Jacques Villeneuve qui paie son audace et explose ses voitures contre les murs de pneus. Quelques années auparavant, un jeune espoir allemand, Stefan Bellof y a même perdu la vie au 1000 km de Spa après un contact avec Jacky Ickx.
L’équivalent d’une fusée au décollage
Longtemps, le Raidillon était un challenge à part : il fallait lutter pour ne pas lever le pied et le passer à fond et ainsi rendre ivre de bonheur les spectateurs. « À mon époque, il fallait du temps pour le prendre à fond, pour se convaincre de ne pas lever le pied, expliquait Niki Lauda à Canal+ il y a quelques années. C’était effrayant, le virage le plus difficile de la F1 »
Désormais, tous les pilotes le traversent à fond et dépassent allègrement les 300 km/h. « On le passe pied au plancher et les yeux fermés », s’amuse Max Verstappen. Il s’agit pourtant du seul moment de la saison où les pilotes doivent gérer une compression verticale. Et ce, en ressentant 4,4 G latéraux, soit l’équivalent d’une fusée Soyouz au décollage !
Sur cette poignée de secondes à réveiller les plus téméraires, les habitués attendent les moments de grâce. Ils sont rares mais s’inscrivent rapidement dans l’histoire. Au XXIe siècle, il y a eu Alonso prenant le meilleur sur son coéquipier Hamilton (McLaren, 2007), Webber (Red Bull) face à Alonso (2011) et Räikkönen (Lotus) dépassant Schumacher (Mercedes, 2012). Certes, la portion de route a été modifiée, les murs de pneus renforcés, les vibreurs améliorés. Mais dépasser ici est un acte de courage et surtout de confiance vis-à-vis de l’autre pilote qui doit vous laisser le champ libre au risque de vous éjecter de la piste. C’est aussi pour ça que les dépassements sont rares et que les pilotes prennent le temps avant de mordre les vibreurs. Le Raidillon est une légende et il faut décidément savoir le respecter avant de le dompter.
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