À l’aube d’une nouvelle génération il est temps de faire un point technique sur le matériel embarqué par les consoles à venir. On commencera par celui qui a le plus à prouver et à gagner : Microsoft et ses Xbox Series S et X. Sur la génération précédente, on avait déjà constaté un rapprochement important du monde PC, qu’en est-il sur les consoles qui s’apprêtent à débarquer dans nos salons ? Et si celles-ci sont si semblables au PC, comment comptent-elles se différencier ?
1°) *Une évolution en miroir de la génération précédente*
Après une présentation fin 2019 aux Game Awards, Microsoft a égrené sa communication au cours de l’année 2020 en appuyant au fur et à mesure sur différentes fonctionnalités permises par cette nouvelle génération. Du côté hardware, on a eu la confirmation de ce que l’on avait supposé depuis un moment : une nouvelle fois, on retrouve des puces AMD assez similaires au PC au sein des Xbox.
Qu’il s’agisse de la partie processeur, des graphismes ou bien encore de la solution de stockage, les Series S et X font instantanément penser à un PC de joueur. Le CPU choisi, avec 8 cœurs et 16 threads sur une fréquence de 3,6 GHz ressemble fortement au Ryzen 7 3700X lancé à l’automne 2019 par AMD. À noter qu’il possède cependant une différence cruciale puisqu’il s’agit d’un APU, intégrant processeur et partie graphique sur la même puce.
Pour la partie processeur, s’il possède les mêmes 8 cœurs que sur la Xbox One, c’est un saut générationnel extrêmement important et peut-être ce qui différencie le plus ces nouvelles consoles de la génération existante. Cela vaut le coup de le rappeler : à leur sortie en 2013, Xbox One comme PS4 exploitent des processeurs basse consommation déjà obsolètes à la sortie de ces consoles.
Visant tablettes et ordinateurs portables d’entrée de gamme, ceux-ci font partie de la famille de processeurs “Jaguar” d’AMD et les développeurs doivent se satisfaire dès le départ des faibles ressources mises à disposition avec ces processeurs intégrés aux consoles.
Cela aura un impact direct sur les jeux de la génération passée, où il est très compliqué d’atteindre 60 images par seconde sur nombre d’entre-eux. Heureusement, avec les consoles de nouvelle génération, cela devrait bientôt n’être qu’un mauvais souvenir.
Alors bien mal en point en 2012, AMD est revenu en force dans le marché des processeurs ces dernières années. Au point d’égaler Intel alors jusque-là en pole position côté performance dans les processeurs pour PC. À même fréquence, les processeurs d’AMD permettent un bond significatif des performances, un point qui avait été souligné par le fabricant de processeur lui-même en introduisant sa nouvelle architecture dénommée Zen.
Il est à noter que depuis 2016 et la première génération de son architecture Zen, AMD n’est bien évidemment pas resté inactif. Avec les révisions Zen+ puis Zen 2, il a affiné cette nouvelle architecture pour fournir des performances en jeu similaires à celles d’Intel, et même supérieures à son concurrent pour Zen 3, débarquant sur PC en novembre 2020.
Les consoles de nouvelle génération, du côté de Microsoft comme Sony, utilisent des processeurs basés sur l’architecture Zen 2, ce qui devrait déjà fournir un bon impressionnant des performances. En effet, pour fournir une brève comparaison entre les processeurs intégrés à la Xbox One et PS4, un coup d’œil rapide sur un graphique permet de voir l’évolution des performances sans devoir rentrer dans trop de détails techniques.
Kaveri est pour référence le nom de code des puces mobiles, utilisant l’architecture Steamroller qui succéda à Jaguar, se trouvant au coeur de la Xbox One et PS4. Renoir, dernière itération mentionnée sur ce graphique est le nom de code des puces pour ordinateurs portables d’AMD basés sur l’architecture Zen 2 susmentionnée. On la retrouve par exemple dans la gamme Ryzen 4000 Mobile.
Dans un ordinateur portable, ces processeurs Ryzen 4000 apportent un niveau de puissance inédit. En effet, ceux-ci peuvent finir une tâche presque 3x plus vite que les derniers processeurs mobiles d’Intel ! On imagine donc que le différentiel de puissance est encore bien plus élevé entre les consoles actuelles et les Series S et X.
Du côté graphique, les gains ne sont peut-être pas aussi impressionnants. On parle ici d’un “simple” doublement des performances, et ce dans le meilleur des cas. Mais la partie graphique de la Xbox One X était déjà très compétente. Surtout, celle-ci était limitée par un processeur n’arrivant pas à suivre la cadence. On voit là le premier effet bénéfique concret de CPU bien plus capables. Cela permet par exemple d’obtenir des résultats assez impressionnants dans les titres rétrocompatibles, sans aucune modification du code du jeu original. Sur cet aperçu de performances fourni par Digital Foundry l’on voit que certains titres lourds peuvent voir leur frame rate doubler.
Qu’il s’agisse de Final Fantasy XV, Hitman 2, Dead or Alive 6, Rise of the Tomb Raider, ou bien encore Sekiro, tous disposent d’un mode 4K qui était clairement limité sur Xbox One X, très probablement par un processeur trop faiblard. Sur Series X en revanche, tous ces jeux atteignent désormais 60 images par seconde, fournissant une bien meilleure expérience de jeu, plus fluide et agréable manette en main.
L’avantage de ces performances accrues, facilitées par le processeur, est qu’elles bénéficient à la Series X mais aussi à la Series S. Si l’on devait rapidement résumer la différence majeure entre les 2 ce serait ainsi : toutes deux proposent un hardware similaire, mais là où la première veut proposer une expérience 4K, la seconde préférera le 1440p ou 1080p, mais en gardant le cap des 60 fps.
En effet, pour cette nouvelle génération, Microsoft tente une proposition inédite en commercialisant dès les départ deux consoles avec des publics visés assez différents :
D’abord une console plus puissante, la Series X visant les “core gamers”, avec un prix plus élevé pour des performances hors normes. La 4K à 60 images par seconde était jusqu'alors réservée à des PC haut de gamme pouvant coûter plus de 2500€.
Ensuite, une console plus abordable, la Series S, grâce à une réduction de prix assez drastique, vise des joueurs non équipés d’écrans 4K ou cherchant une seconde console sous l’attrait du Xbox GamePass.
Le service d’abonnement proposé par Xbox est au coeur de sa stratégie pour la prochaine génération. Capable de convaincre des joueurs possédant déjà une PS5 ou une Nintendo Switch (proposée à 299€, le même prix que la Xbox Series S !), cette console à pour but d’être le parfait compagnon d’un abonnement au Xbox GamePass. Combinés, cela permet au constructeur de proposer une offre presque imbattable. Avec la Series S et un abonnement au GamePass, on bénéficie de centaines de jeux de divers éditeurs (EA, Square-Enix, Sega…), mais également de toutes les productions internes des studios Xbox.
Il s’agit d’une proposition de valeur clairement positionnée face à Sony. Ainsi, une Xbox Series S et la centaine de jeux du Xbox GamePass coûteront à peine plus de 300€, face aux 399€ pour la seule PlayStation 5 Digital Edition. Ces derniers se transformeront vite en plus de 500€ dépensés, avec des jeux aux prix relevés à 79€ comme Demon’s Souls Remake. Nul doute que dans la situation économique fragile suite à l’année 2020, le calcul trouvera écho chez nombre de joueurs.
Si les comptes sont clairs, l’offre Xbox All Access enfonce le clou en proposant, à la manière d’un forfait téléphonique, de vous fournir la console ainsi qu’un abonnement au GamePass pour 24,99€/mois pour la Series S, et 32,99€/mois pour la Series X.
Une partie de ce prix réduit est évidemment directement supportée par Microsoft comme un pari sur son GamePass, le succès de ce nouveau modèle économique fournissant un revenu récurrent à l’entreprise. Le président de la branche Xbox, Phil Spencer, indiquait ainsi récemment dans une interview à Kotaku qu’il serait logique de voir les ventes de la Series S surpasser à terme celles de la Series X du fait de son prix inférieur.
Mais une autre partie de cette réduction de coût sur la Series S est rendue possible par des choix techniques. Ici, le choix majeur fait par Microsoft est de proposer une partie graphique significativement réduite par rapport à la Series X. Et c’est plutôt malin, puisqu’une image 1080p comporte 4 fois moins de pixels qu’en 4K, et donc une charge de rendu bien moins importante.
De la même manière, la mémoire vidéo est réduite de 16 Go de GDDR6 sur la Series X à 10 Go sur la Series S. Puisqu’il n’y a plus besoin de travailler avec des textures 4K, celles-ci occupent bien moins d’espace dans la mémoire vidéo du GPU de la console. Pour référence, sur PC, les derniers jeux tels que Doom Eternal occupent un peu moins de 8 Go de mémoire vidéo en définition 1440p, celle visée par la Xbox Series S.
À côté de cela, les avantages concrets de cette nouvelle génération demeurent sur la Series S : la présence d’un processeur beaucoup plus puissant et la présence d’un SSD ultra-rapide assurent d’avoir une expérience similaire entre les deux modèles.
Une expérience qui pourrait même être un peu meilleure par certains aspects sur le modèle plus abordable. Toujours dans une interview à Kotaku, Phil Spencer indiquait que sa Series S était un peu plus rapide sur les chargements, du fait de textures et autres éléments de jeu moins lourds à charger. On voit ici la conséquence directe du choix de viser une définition plus modeste.
Enfin, qui dit partie graphique moins importante dit aussi une taille physique de puce moins importante, ce qui la rend bien plus facile à produire en grand nombre par le fondeur TSMC. On voit bien ici sur le die shot (un plan de l’intérieur de la puce); fourni par Microsoft à l’occasion de la conférence Hot Chips cet été, que la puce comprenant à la fois CPU et GPU pour la Series X est imposante. La majeure partie de l’espace est dévolu à la partie graphique. Réduire celle-ci sur Series S était donc un moyen facile de réduire la taille et le coût de la puce au coeur de la plus petite des deux consoles.
Enfin, il est une chose importante à rappeler : dans le domaine du hardware, la puissance de calcul des puces n’est pas linéaire. Ainsi, une puce plus petite peut s’avérer un très bon pari pour obtenir des performances tout à fait correctes et une chauffe minimisée, surtout avec les évolutions architecturales apportées par AMD. Là encore, on se référera au travail de Digital Foundry qui simulait le gain en efficience entre l’architecture GCN des parties graphiques de la Xbox One, et l’architecture RDNA présente dans les cartes d’AMD plus récentes.
Sachant que les nouvelles Xbox s’appuient sur une architecture encore plus récente, RDNA 2, tout porte à croire que la Series S ne sera pas un boulet comme la Xbox One à pu l’être vis à vis de la One X en cette fin de génération.
2°) De l’avantage d’avoir une plateforme fixe : l’avantage des consoles
Le discours de consoles toujours plus similaires au PC est un discours que l’on entend beaucoup et il n’est pas incorrect. Avec une même architecture, des composants similaires et un format rappelant le PC pour la Xbox Series X, c’est compréhensible. Cependant, ce discours met de côté ce qui est peut-être l’avantage historique des consoles face au PC : la mise au point par un constructeur d’une plateforme unique, fixe, et bénéficiant d’un nombre de technologies et d’outils qui lui sont propres.
Qu’il s’agisse de Sony ou de Microsoft, cette nouvelle génération n’y fait pas exception. C’est précisément par ces aspects différenciants que les constructeurs espèrent proposer une expérience qui attire tout le monde, y compris les joueurs PC. Une des premières fonctionnalités montrées par Microsoft s’appelle Quick Resume. Celle-ci permet de mettre en pause plusieurs jeux et d’y revenir plus tard, en sauvegardant l’endroit précis où vous étiez en jeu.
En moins de 15 secondes, il est possible de reprendre votre partie sans avoir à redémarrer complètement le jeu à chaque fois. De plus, c’est une fonctionnalité qui marche même lorsque la console est éteinte et débranchée du secteur. Cette prouesse est rendue possible par l’inclusion d’un SSD au sein des consoles de nouvelles génération. Avec un temps d’accès quasi inexistant et des débits multipliés plusieurs dizaines de fois par rapport aux disques durs de la Xbox One, il est désormais possible d’accéder pratiquement instantanément aux données de jeu. C’est une amélioration de confort qui va profiter à tous.
Même si l’on ne s’amusera pas à changer de jeu toutes les 10 minutes comme dans les démos techniques, le fait de pouvoir lancer la console pour se retrouver en moins de 30 secondes là où l’on s’est précédemment arrêté est une perspective réjouissante. Le même scénario sur une console de génération précédente pouvait prendre plusieurs minutes. Même sur un PC de joueur actuel, ce degré de rapidité et de confort n’est pas atteint et relève presque du luxe. Comme on le relevait un peu plus tôt, il est d’ailleurs possible qu’à ce petit jeu, la Xbox Series S soit encore un peu plus rapide que sa grande soeur plus performante la Series X.
Bien que le Quick Resume ne marche qu’avec des jeux solo et pas multijoueur (compliqué de garder la position d’un joueur dans un jeu en ligne persistant), il fonctionne avec les jeux next-gen mais également les titres rétrocompatibles. Les jeux Xbox One, Xbox 360 et Xbox originale en bénéficieront donc. Profiter de cette fonctionnalité pour reprendre une partie mise en pause dans Panzer Dragoon Orta sorti en 2002 ou bien dans le premier Forza Horizon sur Xbox 360 est un plus non négligeable.
Cette amélioration de confort sans aucune modification du code des jeux par les développeurs est déjà impressionnante en soi, mais elle sera accompagnée de technologies augurant du meilleur pour la génération à venir.
On pensera à DirectStorage, une nouvelle technologie promettant de revoir la façon dont les données transitent au sein de la console, afin de tirer parti au maximum de la vitesse du SSD inclus. Bien que les SSD soient monnaie courante sur PC depuis plusieurs années, ils ne sont toujours pas (ou dans de très rares cas) exploités en jeu. Il n’y a pour le moment par exemple aucune différence entre utiliser un SSD S-ATA limité à 500 mo/s et un SSD PCI-Express 4.0 comme sur les consoles de future génération.
Jusqu’à présent, les données de jeu suivaient un parcours assez classique qui n’a pas changé ces 20 dernières années. Issues du disque dur mécanique ou du SSD, elle étaient décodées et décompressées par le processeur, avant d’être envoyées dans la mémoire vive du système et/ou la mémoire de la partie graphique (sur console, les deux sont combinées). Quand le débit de lecture des données est faible, comme il l’était au début de la génération précédente dû à la présence de disque dur mécanique, cela ne pose pas de problème. Le processeur peut prendre son temps puisque la limite se situe au niveau du stockage.
Ce n’est plus le cas quand le goulot d'étranglement que constituait le disque dur est enlevé de l’équation. C’est le processeur qui devient alors la plus grande limite dans ce scénario, d’où la volonté de s’en passer complètement au profit d’une solution mettant directement en contact le stockage avec la partie graphique. La solution DirectStorage ne profitera d’ailleurs pas qu’aux consoles puisqu’elle sera intégrée sur PC au sein de Windows et adoptée par les constructeurs de cartes graphiques. Nvidia a récemment annoncé RTX IO, qui sera donc l’implémentation de DirectStorage sur les cartes GeForce du constructeur.
Enfin, sur la partie graphique, on va assister à un développement des techniques de rendu qui sont apparues sur la génération précédente et devraient prendre encore plus d’importance. Qu’il s’agisse de rendu à la définition dynamique (DRS) ou bien d’un calcul dynamique de l’image pour passer plus de temps sur les parties importantes de chaque scène (VRS).
Différentes techniques utilisées en fonction des jeux et des besoins des développeurs mais dans un seul but, maintenir un frame rate le plus élevé possible, afin de fournir une expérience de jeu plus fluide manette en mains. Qu’il s’agisse de 4K à 60 images par seconde ou bien de modes de jeu à 120 images par seconde comme dans Dirt 5 ou les modes multijoueurs de Gears of War 5, cela se traduit par un confort de jeu jusque-là réservé au PC.
3°) Proposer un aperçu du futur tout en mettant en valeur le passé
Si un certain nombre de technologies et fonctionnalités trouveront leurs équivalents chez Sony, il est indéniable de dire que Microsoft a décidé de miser sur sa force : offrir une rétrocompatibilité grandissante, remontant jusqu’à la toute première Xbox en 2002.
Là ou la PlayStation 5 ne proposera à priori que des améliorations titre par titre, l’approche de Microsoft est différente en infusant des fonctionnalités au sein du système lui-même. On pensera d’abord au travail de rétrocompatibilité commencé lors de la génération précédente, qui a vu l’ajout de près de 600 jeux Xbox 360 (sur un peu plus de 2000 au total) jouable sur Xbox One. Sont aussi venus s’ajouter quelques titres de la Xbox originale. Certains, comme la trilogie Final Fantasy XIII sur 360 ou bien The Elder Scrolls III : Morrowind ont même bénéficié de patchs pour proposer une définition 4K, ou un doublement du frame rate originel pour atteindre les 60 images par seconde.
Avec les Xbox Series S et X, Microsoft compte bien continuer ce travail en proposant en plus la compatibilité avec les milliers de jeux disponibles sur Xbox One, mais en ajoutant quelques fonctionnalités bonus. Outre le boost de définition généralisé, le constructeur indique préparer le doublement du frame rate sur “un certain nombre de titres” et l’ajout du HDR de manière automatique. Grâce à un algorithme d’analyse des scènes, il est ainsi possible de proposer ce nouveau mode d’affichage présent sur les téléviseurs les plus récents afin de fournir des couleurs plus vives et des ombres mieux définies. Parmi les exemples les plus parlants on pourra penser à Batman Arkham Knight, avec ses néons dans la nuit perpétuelle de Gotham, ou les ciels s’étendant à perte de vue dans le premier Red Dead Redemption sur Xbox 360.
C’est peut-être au niveau de cette approche systémique, permettant des innovations sur les titres next-gen tout en proposant d’améliorer la collection existante des joueurs, que se trouve la différence la plus forte entre Microsoft et Sony. Puisque le géant américain veut pousser son écosystème et placer le GamePass au coeur de ses machines, il a tout intérêt d’améliorer le plus possible l’expérience de l’utilisateur au sein de l’environnement Xbox.
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