De Validé à Fianso en passant par Orelsan, voici notre guide des rappeurs français dans les séries télé.
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Quand les rappeurs sont des héros de séries

Un guide des meilleures apparitions de rappeurs sur petit écran, de Fianso à Orelsan en passant par JoeyStarr, Lacrim et Diam's.
Écrit par Genono
Temps de lecture estimé : 11 minutesPublished on
De mieux en mieux installés au cinéma, où les carrières de JoeyStarr, Nekfeu, Sneazzy, ou Kaaris, se crédibilisent au fil des rôles, les rappeurs français font également leur trou sur petit écran. Le récent succès de « Validé » a cristallisé la solidité du couple rap – séries télévisées, mais de nombreux autres exemples prouvent que cette relation ne tient pas qu’en quelques références à « Narcos » et « Game of Thrones » dans les textes d’artistes en manque d’inspiration. Depuis « Seconde B » jusqu’aux « Sauvages » en passant par « Prison Break » et « Mafiosa », retour sur les apparitions marquantes des rappeurs français dans les séries télévisées.

La moitié du rap français dans Validé

Première série à explorer les coulisses du rap français, « Validé » s'est imposée comme un véritable phénomène au printemps 2020, explosant le record de visionnages sur la plateforme MyCanal. Plébiscitée par le public, la série a aussi été saluée par l’ensemble du rap-game, à quelques exceptions près (Booba évidemment, mais aussi Soso Maness), qui s’est reconnu dans le récit d’Apash et Mastar. Une double validation pour Franck Gastambide, réalisateur de la série et acteur dans le rôle de DJ Sno, à l'origine de ce pari fou.
Du point de vue du casting, « Validé » a employé la moitié du plateau rap français, aussi bien du côté des artistes en têtes d’affiche que des activistes de l’ombre (managers, programmateurs radio, médias, réalisateurs...). En dehors des personnages principaux, on retrouve ainsi des profils aussi variés que Lacrim, Driver, Ninho, Kool Shen, Soprano, JR O Chrome, Gringe ou Dry. Chacun joue son propre rôle, et pour certains, il s’agit même d’une première à l’écran. Après avoir lancé les carrières d’Hatik et Bosh dans la musique, « Validé » a peut-être révélé chez certains rappeurs une vocation pour le cinéma. Il paraîtrait que le téléphone de Franck Gastambide n'arrête plus de sonner depuis l'annonce de la saison 2...

Fianso dans Les Sauvages

Longtemps tenu en marge du rap-game malgré quelques belles tentatives de percée, Fianso a effectué une belle remontada à partir de 2016 et sa série de clips #JesuispasséchezSo. Une progression de carrière qu'il résume d'ailleurs lui-même très bien sur le titre « Sous Contrôle » : « 90 minutes sur le banc, 300.000 albums dans les arrêts de jeu ». Depuis, le rappeur blanc-mesnilois rattrape le temps perdu et cannibalisme absolument tout ce qu’il touche : création d’un label, premiers pas au théâtre, apparitions au cinéma, émission YouTube « Rentre dans le Cercle », réunion de la majorité des rappeurs de Seine Saint-Denis sur « 93 Empire », etc. Dernier exploit en date, son intégration réussie au casting de la série « Les Sauvages » produite par Canal+ et diffusée à partir de septembre 2019.
Malgré un rôle plutôt complexe pour l'acteur encore peu expérimenté qu'il est, le résultat est probant : à l’écran, le rappeur incarne le personnage de Nazir Nerrouche, incarcéré pour apologie du terrorisme dans une intrigue impliquant une tentative de meurtre sur le Président de la République. Très exubérant et énergique au naturel, Fianso a énormément travaillé pour livrer une prestation plus contenue et se placer à la hauteur du reste du casting, Roschdy Zem en tête.

Orelsan et Gringe dans Bloqués & Serge le Mytho

Les albums d’Orelsan, des Casseurs Flowteurs, le film « Comment c’est loin », et la série « Bloqués » représentent différentes manières de traiter une même thématique, celle de la lose perpétuelle, de l’ennui et du refus de choisir entre adolescence et vie adulte. Format très court initié par Canal+, « Bloqués » s'avère une vraie réussite sur le plan de l’humour en dressant le quotidien de deux colocataires qui s’ennuient, incapables de séduire, de prendre des décisions responsables, et parfois même de faire autre chose que s’enfoncer inexorablement dans leur canapé.
En abordant des sujets sociétaux comme le racisme ou le féminisme, la série n’échappe pas à quelques polémiques, mais s’en sort toujours bien. Centrée sur les personnages d’Orelsan et Gringe, qui jouent leurs propres rôles avec beaucoup d’autodérision, la série est un tel succès qu’elle a donné lieu à un spin-off, qui s’intéresse à un troisième personnage, Serge le Mytho. Ce dernier a eu droit à une trentaine d’épisodes avec des guests prestigieux : Gringe et Orelsan, évidemment, mais aussi Leïla Bekhti, Izïa Higelin ou Kyan Kojandi.

JoeyStarr dans Mafiosa

La conversion de JoeyStarr vers le métier d’acteur est plutôt bluffante : après avoir enchaîné les petits rôles et les apparitions anecdotiques dans les années 2000, il s'est forgé ces douze dernières années une réputation véritablement crédible au cinéma, à la télévision et même au théâtre, avec notamment deux nominations aux Césars pour ses rôles dans « Polisse » et « Le Bal des Actrices ». Déjà aperçu dans un épisode du « Lyonnais » sur Antenne 2 en 1990, il a fait son trou dans le monde des séries télé, obtenant notamment un rôle plutôt important dans la saison 2 de « Mafiosa » sur Canal+.
Pour coller au rôle de Moktar, caïd marseillais qui inspire la terreur, le rappeur n'hésite pas à en faire des tonnes, entre grosses chaînes en or, lunettes de soleil en pleine nuit et harem à sa disposition. Il rempile d’ailleurs pour la troisième saison, même si son personnage y tient un rôle moins central. Un peu plus tard, on retrouve Joey dans son propre rôle au beau milieu de la première saison de « Dix Pour Cent », avec notamment une scène mémorable face à Julie Gayet, avec qui il se prend le bec tout au long de l’épisode.

Diam's, Rocca, Disiz dans Les Lascars

Créée par un collectif d’activistes de la première heure, parmi lesquels Lucien Papalu (auteur-compositeur et figure pionnière du rap français) ou El Diablo (graffeur), « Les Lascars » est l’une des premières oeuvres télévisuelles françaises à s’intéresser au décor des quartiers populaires, et par extension à l’univers du hip-hop. Série animée en soixante épisodes, elle voit un nombre conséquent de rappeurs intégrer son casting de voix, avec des profils extrêmement variés : Diam’s, Rocca, Daddy Lord C, H Magnum, Doudou Masta, Disiz, Tunisiano, Maj Trafik
Malgré quelques noms expérimentés dans le domaine du doublage (Doudou Masta), il s’agit pour une bonne partie de la liste d’un baptême du feu. Certains, comme Diam’s, rempilent même pour le film « Lascars », sorti sur grands écrans en 2009. Le succès du concept est tel qu’une série en prise de vues réelles est diffusée entre 2012 et 2014. Cette fois-ci, le rôle s’inverse : là où les rappeurs s’improvisaient acteurs sur la série animée, ce sont ici les acteurs qui jouent aux rappeurs, notamment le personnage de Polo, interprété par Pablo Pauly.

Lacrim dans Force & Honneur

Depuis ses premiers pas dans le rap, Lacrim a toujours aimé se mettre en scène et jouer sur la fine frontière entre son vécu réel et la dimension cinématographique de son personnage. Le voir incarner à l’écran son propre rôle dans une version scénarisée de sa vie était donc une évidence. Initialement écrite pour promouvoir la sortie de l’album « Force & Honneur » en 2017, la série du même nom, en quatre épisodes, est d’abord diffusée sur YouTube, mais devient un tel succès que Canal+ décide de s’impliquer dans la production d’une deuxième saison.
Les conditions de tournage de la série sont particulières, en raison du bracelet électronique que porte Lacrim à l’époque : il doit prendre chaque matin le premier avion depuis Paris pour rejoindre le lieu de tournage à Marseille, et rentrer avec le dernier avion en soirée. Pour les scènes de nuit, on tourne le plus tard possible, et on installe Lacrim à l’arrière d’un T-Max pour remonter les files de voiture et arriver à l’aéroport au dernier moment.

Doudou Masta de Braquo à Fais pas ci, fais pas ça

Pionnier de la scène rap de Vitry-sur-Seine avec son groupe Timide et sans complexe, Doudou Masta reste considéré comme l’un des grands noms de son époque, avec un style plus sombre et brutal que la norme dans le hip-hop des années 1990. Dévoué à une carrière d’acteur à partir du milieu des années 2000, il navigue entre petit et grand écran et enchaîne rapidement les rôles. Depuis 2007, on l’a ainsi retrouvé au casting d’une dizaine de séries françaises, où bien souvent le même type de rôle lui est proposé : caïd de cité dans « La Commune », caïd en prison dans « Braquo », rappeur dans « Fais pas ci, fais pas ça »
Pourtant, Doudou Masta a prouvé à de nombreuses reprises qu’il était un acteur au répertoire varié, et c’est surtout sur grand écran que l’on peut se rendre compte de l’étendue de son registre. Il occupe ainsi des rôles secondaires dans des films d’horreurs (« La Horde »), des comédies (« Les Kaïra », « Case Départ »), des films politiques (« La Sainte Victoire ») ou encore des romances (« À votre bon coeur, mesdames »). Son timbre caverneux lui a également offert quelques belles opportunités de doublage, Doudou est par exemple la voix française de Vin Diesel dans le « Babylon A.D » de Mathieu Kassovitz. Côté séries, on le retrouve tout de même ces dernières années en Commandant de Police dans « Léo Matteï, Brigade des mineurs ». Le destin réserve parfois de belles surprises : on peut commencer par le rap de rue hardcore et finir en uniforme sur TF1 aux côtés de Jean-Luc Reichmann.

Faf Larage au générique de Prison Break

Au milieu des années 2000, le phénomène « Prison Break » est équivalent à la vague Casa de Papel aujourd’hui. Programmée sur M6, la série sur le milieu carcéral cartonne en France, au moins pendant ses deux premières saisons, avant de perdre en qualité et de voir ses audiences s'essouffler. Le succès de Prison Break est indissociable chez nous du générique resté dans les mémoires des téléspectateurs : interprété par le marseillais Faf Larage, il devient même le single le plus vendu de l’année 2006 avec près de 400.000 ventes.
Quand on se rappelle du bruit médiatique provoqué par la présence de Jul dans de simples vidéos de promotions pour la saison 3 de « Casa de Papel », celle de Faf Larage au générique d’une série aussi populaire peut surprendre. La France est d’ailleurs l’un des seuls pays à avoir eu droit à un générique local, la plupart des autres pays ayant choisi de conserver la version originale.

Alibi Montana dans Seconde B

La carrière d’Alibi Montana est un étrange fourre-tout fait d’albums de rap de rue bien dur, de pages dans la rubrique gossip, d’un rap parodique dans « Groland », d’une autobiographie de 330 pages, de quelques années de prison, d’émissions de radio, d’un faux clash avec Max Boulbil, et de mille-et-une autres aventures. Au milieu de ce CV qui ne ressemble à aucun autre figure une apparition improbable dans deux épisodes de « Seconde B », série pour adolescents diffusée entre 1993 et 1995 sur France 2.
En avril 2020, Alibi Montana revenait sur la genèse de ce moment au cours d’une longue interview avec l’Abcdr du son : « Un journaliste était venu à la cité faire des photos des bâtiments et des gens qui les squattaient, dont je faisais partie [...] On a gardé contact, un jour il est revenu vers moi en me parlant d’une série qui se faisait, qui aurait une B.O et dont il connaissait le producteur. Il m’emmène à ce producteur et je me retrouve à faire ces sons et même à tourner dans deux épisodes de la série ». Le futur auteur de « 1260 jours » y incarne le leader du groupe « Alibi et les TMC », présenté par les personnages de la série comme « le meilleur groupe de rap de toute les banlieues ». L’essentiel de sa prestation consiste à rapper, avec un style à mi-chemin entre rap et ragga, deux genres très proches au début des années 1990.

Nusky dans Nos Chers Voisins

Longtemps partagé entre une carrière de rappeur prometteuse et un statut d’acteur plutôt bien installé, Nusky est un visage bien connu des téléspectateurs de TF1, puisqu’il est devenu un personnage récurrent du programme court « Nos chers voisins ». Diffusée entre 2012 et 2017, la série aux 1700 épisodes (!) a vu le jeune rappeur incarner le fils Becker-Stuck pendant 5 saisons. Pas forcément le type de programme dans lequel on aurait imaginé un rappeur s’illustrer, mais c’est bien la preuve qu’à l’heure actuelle, la musique urbaine s’infiltre sur tous les supports.
« Nos Chers Voisins » n’est pas le type de programme qui permet de mettre en avant les talents de composition de ses acteurs, mais Nusky s’en sort avec une prestation plutôt honnête. En attendant des rôles plus stimulants, Nusky préfère cependant se concentrer aujourd’hui sur la musique. Côté rap, il est franchement productif, puisqu’il est l’auteur d’une petite douzaine de projets, en solo comme en groupe (avec La Race Canine ou en duo avec Vaati), depuis 2014.