Want to see content from United States of America

Continue
WiPR est l’un des noms qui revient le plus lorsque l’on parle de Counter-Strike en France.
© WiPR
Gaming
WiPR, la science du jeu
Avec sa chaîne YouTube qui analyse autant les joueurs professionnels que les amateurs, WiPR est aujourd’hui l’un des noms qui revient le plus lorsque l’on parle de Counter-Strike en France. Portrait.
Écrit par Paul Douard
Temps de lecture estimé : 8 minutesPublished on
« WiPR, ça vient d’un manga que je lisais plus jeune. Ça veut aussi dire “essuie-glace“ en anglais » m’explique d’emblée Renaud Malfait, alias WiPR. À seulement 26 ans, ce jeune lorrain est aujourd’hui l’un des noms qui revient le plus lorsqu’on parle de Counter-Strike en France. 29 000 abonnés sur sa chaîne YouTube, caster pour les chaînes Twitch ESL France et 1Pv ainsi qu’un passage en tant qu’analyste pour l’équipe du subtop français ARES – une consécration pour celui qui n’avait jamais imaginé vivre de sa passion. Récompensé en mars dernier par une nomination dans la catégorie « Chaîne esport de l’année 2018 » au milieu de gros noms du milieu comme Gotaga ou Domingo, WiPR m’explique être pourtant très surpris par cette distinction – du moins autant que par ce portrait. Il faut dire que WiPR a eu un parcours atypique, fait de projets avortés et de montages YouTube au départ étranges. Nous nous sommes retrouvés afin de discuter de son parcours, de ses échecs mais surtout de son nouveau statut.
Renaud “Wipr“ Malfait a grandi à Royaumeix, au fin fond de la Lorraine. « Je suis un mec de la campagne » me dit-il à la fois fier et gêné. C’est au collège qu’il touche pour la première fois à CS. « Comme beaucoup d’autres avant moi, c’est mon grand frère qui m’a initié sur 1.5 puis 1.6. Il m’a tout de suite présenté ça comme un jeu très difficile et c’est clairement ce qui m’a motivé. J’étais fasciné par la partie déplacements ». Il passe alors des heures sur le jeux pour progresser et regarde les parties de MaT_csgo, son modèle avec qui il travaillera plus tard. Son Bac en poche, il intègre un BTS informatique industriel « qui m’a dégoûté de la programmation ». Néanmoins, il joue beaucoup et s’implique pleinement avec différentes équipes amateurs dans lesquelles il côtoiera notamment MAIDHEN, ancien de chez ARES.
Il ne néglige pas l’investissement malgré les heures de cours, « Cinq jours par semaine minimum si tu veux progresser avec ta team ». Deux événements serviront de point de non retour à WiPR. D’abord les finales EPS de 2009 et la suprématie naissante de l’équipe VeryGames. « Là, je me suis juste dit “Mais c’est trop stylé !“, je m’y suis plongé complètement et je n’ai plus jamais arrêté ». Counter-Strike Source (CSS) vit ses dernières heures et WiPR participe à des LAN régionales avec son équipe composée de potes à lui. Le second événement qui le marquera à jamais est la victoire de l’équipe LDLC à la Dreamhack Winter en 2014 où « là, j’ai compris que ce jeu avait quelque chose de particulier ».
Si WiPR ne lésine pas sur les efforts, il sent que quelque chose lui manque pour exploser au plus haut niveau. « J’avais clairement atteint mes limites » reconnaît-il, déçu mais conscient du travail à accomplir pour atteindre un tel stade. « C’était frustrant. Si je n’arrivais plus à évoluer dans la scène française, c’est parce que je voulais gagner avec mes potes. Sauf que pour performer, il faut s’entourer de ceux avec qui tu joues le mieux, pas ceux avec qui tu préfères jouer. Ce qui est différent, et je n’ai pas su le faire ». Fatalement, c’est l’exigence du haut niveau qui aura raison de lui pour ce qui est d’une carrière professionnelle sur CS GO. Après son BTS, il se lance dans une licence professionnelle « image et son numérique » qui fut la première marche vers son activité actuelle, mais pas pour autant un déclencheur : « Ça m’a donné les bases du montage, mais c’est tout ». Cherchant à s’impliquer sur la scène française sans pour autant parcourir toutes les Lan, il décide alors de se lancer dans la création d’une chaîne YouTube.
Avant de devenir un chaîne YouTube avec quasi 30 000 abonnés, WiPR est passé par plusieurs étapes. « Encore une fois, je voulais faire un truc avec des potes. On voulait faire du cast sur YouTube. Ça devait s’appeler “Caster and gentleman“ (une référence au Roi Heenok, n.d.l.r) mais j’étais le seul à être vraiment motivé ». Après cette première expérience avortée, il décide de finalement se lancer seul et crée sa propre chaîne dans la foulée. Comme pour tout Youtuber, le plus compliqué est de trouver un terrain qui n’est pas encore surexploité – du moins en France. « Ce que je voulais, c’était faire du contenu que je ne trouvais nulle part ailleurs ». Il commence alors par des tutoriels simples qui reprennent les bases du jeu, avant de se lancer dans ses fameuses « analyses viewers » qui ont beaucoup contribué à sa notoriété.
Bien-sûr, les choses ont mis du temps à exister, proposer du contenu intelligent ne suffit malheureusement pas. « Au départ, j’avais un souci de crédibilité. C’est normal que les gens se demandent “Mais t’es qui pour nous dire quoi faire sur le jeu ?“ C’est bien de donner des conseils, mais si tu n’es personne dans l’esport, c’est compliqué ». À force de travail et de montages vidéo de plus en plus soignés, sa communauté s’élargit et les abonnements fleurissent. « Aujourd’hui, je prends beaucoup plus de temps pour faire une vidéo » me confie-t-il. « Quand on fait le tour du CS GO Français sur YouTube, c’est assez similaire. J’essaye d’apporter des chiffres et des statistiques. Je dis “Voilà les faits, faites en ce que vous voulez“ ». WiPR fait presque un travail de journaliste en somme, il prend des informations et laisse le viewer faire son choix.
C’est alors qu’il commence à prendre de conscience de sa notoriété : « Sur des events, des gens viennent me voir pour me dire bonjour, ou encore “C’est le vrai WiPR !“ Je ne m’y attendais pas » me raconte-t-il. Toutefois, il ne cède pas pour autant à l’argent facile. Sur sa chaîne, pas de publicités de gambling. « Tous les jours, j’ai des propositions de ce genre. Mais je ne veux pas m’associer avec ce genre de sites ». C’est cette notoriété naissante qui le pousse vers une nouvelle activité qu’il a toujours voulu embrasser : le cast. Après quelques essais avec NVIDIA sur des Star Series, c’est Alexandre “Zuper“, caster à plein temps pour ESL France, qui vient le chercher pour compléter son équipe pour les ESL One Cologne 2017.
« J'ai vite compris qu'un profil comme le sien serait intéressant pour notre équipe » me raconte Zuper. Pour Renaud, la pression monte : « C’était le saut dans le grand bain pour moi, je suis d’un naturel assez timide et je ne connaissais personne ». Zuper confirme aussi cela, « Au début, il avait un peu de mal à s'imposer et était très timide, mais il s'est rapidement adapté à l'équipe qui l’entourait sans dénaturer son image ». Il retrouve néanmoins un homme qu’il connaît bien, MaT_csgo, ancien joueur professionnelle sur 1.6 dont WiPR est un énorme fan. « J’étais émerveillé, un vrai fan boy ! ». Au milieu de locaux plus impressionnants que sa chambre d’étudiants, WiPR fait son trou et enchaîne les events, tantôt comme caster, tantôt comme analyste. Et Zuper ne regrette pas son choix : « Après une grosse année de cast à haut niveau, il est devenu un visage incontournable du cast français, que ce soit par son sérieux, son professionnalisme mais aussi par sa connaissance approfondie de la scène CS GO ». Il passera aussi sur 1Pv, la chaîne Twitch de CND.
C’est en août 2017 qu’il goûte pour la première fois à la compétition professionnelle lorsqu’il se fait recruter par la structure ARES en tant qu’analyste. « Si j’ai le choix entre être spectateur de la scène et être acteur, je préfère clairement être acteur. C’était un kiff d’avoir été avec ARES pendant presque un an. J’avais la sensation de faire plus, d’apporter un vrai truc. Je faisais beaucoup d’anti-strat pour eux. Quand tu te dis que c’est grâce à ton boulot qu’ils ont réussi un match, c’est plus gratifiant ».
Si l’aventure ARES s’arrêtera en 2018 pour des raisons extérieures, WiPR n’exclut pas de revenir à cette activité. « J’ai envie de bosser pour une structure, mais peut-être que je ne me vends pas assez » me confie-t-il à la fin de notre entretien. Lorsque je lui demande ce qui compte vraiment à ses yeux, sa réponse résume parfaitement le personnage, et pourquoi il est tant apprécié par la communauté plus habituée aux publicités de gambling qu’aux analyses soignées : « Ce qui m’intéresse vraiment, ce n’est pas la somme gagnée en tournoi ou pourquoi tel skin se vend bien, mais c’est de savoir quelle équipe est la meilleure aujourd’hui et pourquoi, point. » Quinze ans après sa découverte de Counter-Strike sur un écran cathodique de cyber café de Lorraine, Renaud “WiPR“ Malfait est aujourd’hui définitivement installé sur la scène française de CS GO.
Gaming
Games
esports

Les articles les plus lus