Découvrez le top 12 des plus gros bangers du rap français, de Booba à Gambi en passant par Jul, MHD et Niska.
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Musique

Les plus gros bangers du rap français

Quand le rap français débarque sur la piste, de Booba à Gambi en passant par Jul, MHD et Niska.
Écrit par Maxime Delcourt
Temps de lecture estimé : 11 minutesPublié le
« Bordel, quand on rentre sur la piste... » En 2006, Booba offrait au rap français son premier véritable banger, « Boulbi ». Un morceau tubesque taillé pour les clubs qui s’affranchit alors des codes dominants d'un rap conscient ou subversif. Totalement décomplexée, la recette du morceau pose les bases du genre : un refrain en forme d'hymne à reprendre en chœur, une mélodie entrainante, des flows chantonnés et des thèmes tournant autour de l’egotrip, de virées en boite de nuit, de soirées enfumées, d'envies de siestes crapuleuses avec la gent féminine ou de dédicaces aux quartiers. Entre les classiques capables de faire basculer une soirée en quelques secondes ou les dernières nouveautés pour turn up, voici une sélection des plus gros sons du rap français pour danser « majeur en l'air sur la piste ».

Booba – Boulbi

2006, le rappeur de Boulogne souhaite donner un nouvel élan à sa carrière, dix ans après ses débuts au sein de Time Bomb avec Lunatic. C'est d'ailleurs à l'époque de « Mauvais œil », via ce bon vieux LIM, que Booba rencontre les beatmakers d'Animalsons, Clément Dumoulin et Marc Jouanneaux. Ce dernier finit par lui concevoir le beat de « Boulbi » : une prod de TR-808, la boite à rythmes culte des musiques électroniques, inspirée par l’énergie de « Break Ya Neck » de Busta Rhymes, que Booba complète de gimmicks accrocheurs (« Boulouloubi ») et de punchlines assassines.
« Bordel, quand on rentre sur la piste / On est venus tiser, claquer du biff ». En une phrase, habilement placée dans le refrain, Booba résume ses intentions : composer un tube foncièrement club, taillé pour flamber en soirée et faire remuer les boul'zer sur la piste de danse. Notre « In Da Club » à nous.

MHD – AfroTrap 7 (La Puissance)

MHD ne s’en est jamais caché : Booba est un modèle et « Boulbi » est le premier morceau qu’il a véritablement appris par cœur. Mais sa culture musicale trouve aussi sa source dans la variété française (Gérard Lenorman, Michel Fugain) et les chansons africaines (Salif Keïta, Awilo Longomba). Voilà ce qui explique peut-être sa science du tube, cette façon d’agencer des rythmes qui mélangent tout : du rap, des musiques d’Afrique noire, des notes électroniques... Et des refrains à même de faire trembler les murs.
« La puissance, gros c’est la puissance », c’est simple, efficace, et ça pose illico l’ambition de ce MC venu ici déglinguer un beat signé Dany Synthé, certifié single de platine et voué à faire de MHD un digne hériter de Bisso Na Bisso ou Mokobé : des artistes qui ont puisé davantage dans leurs origines et l’héritage de leurs parents plutôt que de copier benoitement le rap américain. Naza ou Koba LaD savent à qui dire merci !

Heuss L’Enfoiré – Khapta

Tout va très vite dans le hip-hop. En à peine deux ans, Heuss L’Enfoiré est devenu le poulain de Sofiane, l'incarnation du rap de chicha et le vulgarisateur d'expressions populaires comme « en esprit » ou « en moula ». Sans compter « khapta », le titre de son single le plus iconique, porté par un saxophone, un texte trilingue (le français, l'arabe, le wolof) et un schéma de rimes qui privilégie l'énumération de termes bisyllabiques aux grandes envolées littéraires.
Sur une prod house rebondissante combinant un synthé électro et un saxo qui n'est pas sans rappeler le « Alors On Danse » de Stromae, Heuss L’Enfoiré débite un enchevêtrement de mots sans queue ni tête jusque à la transe dans l’idée d’arriver le plus rapidement possible au but recherché : l’enjaillement.

JUL – JCVD

Depuis ses débuts, JUL offre au rap français des figures de style inédites et une esthétique audacieuse : des beats hérités de l'EDM, de l'autotune, des influences variées allant du raï au R&B et un certain penchant pour la variété des années 1980.
Sur « JCVD », le Marseillais envoie balader les haters jaloux de son succès et continue à « dire ce qu'il vit ». Au programme : sac Quechua, claquettes et déclaration d’amour à la weed sur un air de saxophone imparable. Tout ça sans que l’on sache vraiment si c’est le son des mots, leur sens ou le beat qui mène la danse. Et qu'importe, « moi, j'fume des cônes, nanana, et je déconne, nanana ».

Niska - Réseaux

Pendant la conception de « Réseaux », Niska est hésitant. Il ne sait pas s'il aime ou non ce nouveau morceau. Peut-être a-t-il été enregistré trop rapidement. Peut-être sonne-t-il trop évident. Le rappeur du 91 vient de connaître plusieurs succès nationaux (« Freestyle PSG » ou « Sapé comme jamais », aux côtés de Maître Gims), et ce genre de questions s’imposent. Sauf que son père, son manager et son label l'affirment : Niska tient là un tube.
Plus fort encore, « Réseaux » est un banger en phase avec son époque. Ça s'entend dans les mots utilisés (« bendo », notamment), dans ce récit parfaitement en phase avec l'ère des réseaux sociaux (« Elle m'a pas follow back quand je l'ai follow »), dans cette production endiablée, mais aussi dans l'utilisation de ce fameux « pouloulou ». Un gimmick accrocheur, répété à l'envi, et depuis tombé depuis dans le langage courant, au même titre qu’« en catchana » d’Aya Nakamura et probablement « darladirladada » des Bronzés. Fort !

Gambi – Popopop

Lorsque sort « Popopop » à l'automne 2019, Gambi a déjà la côte : il vient de signer chez Rec. 118 (le label d'Aya Nakamura, SCH, Ninho...) et son dernier single en date (« Hé Oh ») affiche déjà 21 millions de vues. Il ne s'en doute probablement pas, mais il s'apprête pourtant à exploser les compteurs : en à peine 24 heures, « Popopop » se hisse ainsi dans le Top mondial Spotify et réalise le 9ème meilleur démarrage avec 875 000 streams. Ça, c'est pour les chiffres.
Dans les faits, Gambi, 19 ans au moment de composer son hymne, c'est aussi un savoir-faire musical reposant sur une prod entre rap et club composée par Ghost Killer Track. Sur un beat rapide tournant à 130 BPM, le beatmaker associe les codes de la musique de club (un kick à chaque temps) à une ambiance trap pleine de reverb et une ligne de basse empruntant aux sonorités de la UK Bass. Gambi fait le reste, en balançant sur cette mélodie électro entrainante des tics de langage facilement récupérables. Popopopop !

Maes – Madrina

En novembre 2018, soit un mois après le « Rolls » d'Hornet La Frappe et Lacrim, le clip de « Madrina » est lui aussi tourné à Bogota, en Colombie. Pensé comme un hommage à Griselda Blanco, figure emblématique du trafic de cocaïne et mentor de Pablo Escobar, « Madrina » est aussi le symbole de deux tendances majeures au sein du rap français de la fin des années 2010 : l’émergence des topliners, ces artistes de l'ombre qui conçoivent les mélodies vocales des tubes, et la présence toujours plus forte de sonorités caribéennes dans les morceaux d’artistes bien décidés à ne pas se contenter d’un simple succès d’estime.
Car un jeune rappeur a beau se déclarer « marié à la street » et raconter la « réelle vie », une zumba reste le moyen le plus efficace pour lui d’accéder à la reconnaissance du grand public. Maes le sait, et le prouve ici avec ce titre qui donne envie de passer le reste de ses jours dans une fête de mariage.

Vald – Désaccordé

À regarder « Xeu, le doc », on se dit que l’on peut être Vald et enregistrer son album dans un placard à balais. Mieux, on comprend que des bangers de folie peuvent naître de ces endroits exigus. À l'image de « Désaccordé », indéniablement le plus gros succès de Vald à ce jour – presque 128 millions de vues sur YouTube et une certification diamant.
Pourquoi ? Comment ? Tout simplement parce que les punchlines (« M'écoute pas si tu préfères ton rap de caissier qui vend pas ») et les placements de voix sont impeccables. Parce que le beat concocté par Seezy n’a pas peur de se frayer un chemin vers la pop. Et parce que Vald y refile ses cascades verbales sous un flow technique animé par des intonations chantonnées entêtantes. Un savoir-faire musical, de l’originalité et une rigueur technique : on a vu des singles entrer dans la culture populaire pour moins que ça.

Caballero & JeanJass – Sur Mon Nom

À force de jouer « Sur mon nom » en concert et au vue de la réaction du public, Caballero & JeanJass ont fini par comprendre qu’ils tenaient là un titre euphorisant, riche, technique et référencé.
Directement inspiré par Birdman et son expression « Put some respect on my name », littéralement traduite dans le refrain, le morceau multiple les clins d'oeil au foot, une des grandes obsessions de JeanJass, et à quelques monuments de la pop culture comme Lucky Luke ou Homer Simpson. De quoi parler au plus grand nombre. Surtout, les deux Belges multiplient les changements de flows sur une instru irrésistiblement saccadée et un refrain taillé pour être repris en choeur dans les festivals.

Ninho et Rim’k – Air Max

Sur le tournage du clip d'« Air Max », c’est la rencontre de deux écoles, l'ancienne et la nouvelle. Soit Rim'k, ponctuel et rodé à l'exercice, et Ninho, que la production cherche pendant des heures pendant qu'il est tranquillement installé dans un appartement à prendre des photos avec les jeunes de la cité. Derrière le micro, en revanche, l’alchimie opère – d'ailleurs Rim’k préfère parler d'un duo plus que d'un featuring, lui qui s’est dit surpris de voir Ninho rapper certains de ses couplets écrits à l’époque de 113 lors de leur première rencontre.
De cette complicité est née un tube fédérateur, pensé comme une ode à tous ces gens qui ne partent pas en vacances l'été. Mais la force d'« Air Max », ce n'est pas seulement cette façon de kicker les fesses de la morosité : c'est aussi cette production, réalisée par un RDS en quête de noirceur et d’ambiances cinématographiques, ce beat lourd qui vient contraster un refrain imparable, porté par des gimmicks marquants et des flows enfumés.

Sexion d’Assaut – Wati By Night

Début 2010, le rap fait grise mine : les disques ne se vendent plus, Kery James tente un single dubstep et la presse spécialisée disparaît peu à peu des kiosques. Rétrospectivement, quelque chose s’est pourtant bel et bien passé cette année-là. D’un côté, il y a les Rap Contenders, qui vont contribuer à révéler Nekfeu, Dinos ou Alpha Wann. De l’autre, « Wati By Night », l’un des morceaux de la Sexion d’Assaut qui s’incruste le plus rapidement en mémoire malgré son instru aux accents funk en total décalage avec les codes de l’époque.
La Sexion d’Assaut reprend ici le flambeau du « Jackpot 2000 » de 113 et raconte une virée entre potes où tout ce qui compte c'est de s’enjailler, si possible le bassin collé à celui de la plus belle fille de la boite. On comprenait alors que le rap pouvait faire danser tout le monde. Y compris votre oncle un peu réac, aperçu à la FNAC en train d’acheter l’un des 400 000 exemplaires vendus de « L’école des points vitaux », l’album dont est extrait « Wati By Night »

Rohff – Starfuckeuze

Dans une interview à « So Foot », Rohff expliquait la différence entre la « Starfuckeuze » et la « Zlatana » à qui il a dédié chacune un morceau. « La Starfuckeuze, c’est gentil, c’est mignon à côté de la Zlatana. Elle est plus là pour se montrer, plus naïve, plus là pour les stars. Elle t’épuise physiquement alors que la Zlatana t’épuise financièrement ! »
Traduction : Roh2f tient là un hymne, un tube dédié à ces filles prêtes à aller n’importe où, du moment qu’elles peuvent se frotter à toutes les stars sans être obligées d’aller plus loin. « C'est pour les brebis galeuses, dalleuses, sélectionneuse, collectionneuse, futur ex-gogo danseuses », rappe-t-il au début du troisième couplet, le verbe aussi salace que blagueur. Après « Ça fait zizir » et « En mode », Rohff impose une nouvelle fois avec « starfuckeuze » une expression dans les cours de lycée des années 2000.