Le Français Niggaz du Pockemon Crew/Tie Break danse lors d'un battle de breakdance du Red Bull BC One Cypher à Lille, en France, en 2012.
© Little Shao/Red Bull Content Pool
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Le breakdance français est-il trop provocateur ?

Lyon, Paris, Saint-Etienne... En foot comme en danse, les villes françaises entretiennent des rivalités historiques. Explications.
Écrit par Elsa Ducas
Temps de lecture estimé : 6 minutesMise à jour le
Des breakdancers français du Vagabond Crew étaient présents au Red Bull BC One Camp France à la Villette en 2018.

Un échantillon du Vagabond Crew à la Villette en 2018

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Lyon/Saint-Étienne, Paris/Marseille, Paris/Lyon … L’hostilité entre les équipes et supporters de foot est bien connue et même parfois revendiquée en France. Mais cette “French Touch” s’est propagée au-delà des stades, et a envahi très tôt l’univers du breakdance.
Nés à l’origine, à New York, dans les quartiers difficiles du Bronx, les battles étaient une manière pacifique de représenter son crew et sa ville et de s’affronter sur le dancefloor. Le breakdance véhicule depuis des valeurs fortes comme le respect et le fairplay. Pour autant, il n’est pas facile de tourner complètement le dos à son identité : aujourd’hui encore, les danseurs français revendiquent largement leur appartenance à leur crew, à leur ville d’origine et la fierté de la représenter.
Mais B-boys et crews français ont une réputation plutôt sulfureuse aux yeux de la scène internationale. Provocations, adrénaline, émotions et détermination parfois débordante : certains battles sont réputés “sensibles”, mais promettent toujours un grand spectacle. « Dans les années 90, les Français étaient “détestés” par les Européens de par leurs mauvais comportements, et leur mauvaise gestion des émotions… » affirme Rajdi (The Family - Paris) « on était mi caille-ra mi danseurs ! »

Ici, c’est Paris !

Nabster du Bad Trip Crew & Killafornia affronte un autre b-boy lors d'un battle de breakdance du Red Bull BC One Camp France.

Nabster en action

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Paris a longtemps été le centre névralgique de la culture Hip Hop. C’est là qu’elle est arrivée dans les années 80, avant de se propager dans le reste du pays. La ville est immense, et riche de nombreuses cultures qui se mélangent et s’additionnent. Cette grande mixité est une source inépuisable d’originalité pour l’art et la création, croisant les styles, les disciplines et même les inspirations. De nombreux crews s’y forment, et créent de nombreuses rivalités : « La province nous aimait bien » raconte Rajdi « mais chaque fois que t’es le numéro un, on veut te descendre à la deuxième place »
Connus pour leur esprit de compétition sans faille, les danseurs parisiens venaient et viennent encore aujourd’hui des quartiers et banlieues. Là, tout le monde veut s’en sortir et doit faire ses preuves. « Cet esprit ressort dans ta danse, quand tu défends tes couleurs, ton crew, et donc ta ville. C’est presque inscrit dans ton code génétique » explique Nabster, du Bad Trip Crew & Killafornia.
Un avis que partage Radji : « Je pense que c’est pour tout le monde, générations confondues, et surtout pour nous, les rebeus, les renois, cet état d’esprit vient du fait qu’on a pas forcément eu ce qu’on aurait aimé avoir lorsqu’on était jeunes… Je voulais surtout me prouver à moi-même, pas aux autres, que j’étais capable d’y arriver, peu importe le projet. C’est ça l’esprit ! »

Lyon : bienvenue chez les Bad Gones !

Le b-boy lyonnais Niggaz (Pockemon Crew/ Tie Break) saute lors d'un battle de breakdance du Red Bull BC One Camp France.

Niggaz, sans filet et sans para

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Dans les années 2000, la scène lyonnaise commence à faire parler d’elle : les bboys qui s’entraînent sous l’Opéra font très vite trembler la France et la scène internationale. Leur difficulté à accéder aux vidéos de battles - qui arrivaient directement à Paris et donc entre les mains des crews parisiens - les poussent à se forger un style à part, porté par une rage qui leur permet de se hisser rapidement sur le devant de la scène.
L’objectif ? La victoire. La recette lyonnaise ? Des performances, de l’innovation, mais aussi « une attitude provocatrice, et l’agressivité made in 69 » selon Niggaz (Pockemon Crew/ Tie Break). Bref, bienvenue chez les Bad Gones !
Les derbys break Lyon/Saint-Étienne sont, comme dans les stades, des rencontres historiquement “sous tension” ! Cette “guerre” que se mènent Lyonnais et Stéphanois dure depuis plus de 20 ans, et a touché de nombreuses générations, jusqu’à la scène actuelle. La région Rhône-Alpes, berceau de nombreux événements, a été témoin des derbys les plus électriques de l’hexagone.
Et c'est justement à Lyon - et plus précisément au H7 - que se déroulera le Red Bull BC One Camp France 2022. Soit le plus grand rendez-vous de breaking français, qui permettra à ses spectateurs de savoir quels danseurs (un b-boy et une b-girl) auront le droit de participer à la grande finale mondiale à New York en novembre, mais aussi d'assister à des workshops, des talks et plus encore (d'ailleurs, pour accéder à l'évènement, c'est par ici que ça se passe.)

Des battles pour l'histoire

Tie Break vs Melting Force - BOTY 2019 / Demi-finale

L’un des exemples historiques, parmi les plus évocateurs de cette adversité entre crews français : les rencontres POCKEMON vs VAGABOND.
Quand Lyon affronte Paris, peu importe l’année, la composition de la team, où l’issue de la dernière rencontre en date : les deux crews ont une seule idée en tête, gagner. Pour revivre cette demi, c'est par ici !

Vagabond vs Pockemon - Battle Legendary Exhibition 2016

« La rivalité Lyon vs Paris est toujours palpable aujourd’hui.... l’enjeu est de taille, toute ta ville est derrière toi. explique Nabster, en repensant notamment au Battle Legendary Exhibition du Red Bull BC One Camp France en 2016. « C’est LE rendez-vous incontournable, la légende, tout le monde veut en être, ou assister au spectacle, c’est historique ! »

Lyon vs Paris - BOTY 2019 / Demi-finale

Bien que cette « agressivité » - marque de fabrique de certains crews français - prédomine dans les battles, le fairplay reste de rigueur ; une fois le verdict tombé, la pression redescend, les amitiés et affinités reprennent le dessus sur les rivalités. « On s’aime tous » dit Nabster, « C’est pour ça que lorsqu’on s’affronte, c’est aussi fort, mais après ça redescend ! » La communauté breakdance en France conserve une belle cohésion et une grande solidarité en dehors des compétitions.
Le lyonnais Pac Pac par exemple, porte les couleurs de deux villes : membre de Tekken (Lyon) et Bad Trip (Paris). Mais cette double identité n’est pourtant un frein pour aucun des deux crews. Au contraire, elle est considérée comme une richesse : « Pac Pac c’est vraiment mon petit frère... » poursuit Nabster. « C’est un lyonnais, mais il fait autant partie de Bad Trip que de Tekken à nos yeux. Je ne peux lui souhaiter que le meilleur. Cette fraternité dépasse largement les rivalités Lyon-Paris. » La voix du sage.

Fait partie de cet article

Red Bull BC One Camp France 2022

Le Red Bull BC One Camp France est de retour ! Pour la 2ème année consécutive, les meilleurs B-Boys et B-Girls de l’Hexagone s’affronteront au H7 de Lyon du 20 au 22 mai 2022.

FranceH7 à Lyon, France
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