Le pilote Cyril Despres raconte sa préparation pour le rallye raid Dakar 2019 en Amérique du Sud.
© Sam Decout
Rallye-raid

Cyril Despres : pour un Dakar de plus

Travail acharné, sacrifices, obsessions : Cyril Despres nous raconte sa préparation pour le Dakar 2019 entre deux squats. Entretien musclé.
Écrit par Red Bull France
Temps de lecture estimé : 8 minutesPublié le
Le 9 janvier dernier, Cyril Despres cassait une roue lors de la quatrième étape du Dakar 2018, abandonnant de facto ses rêves de victoire finale. Alors même qu’il occupait la deuxième place du général. Un an plus tard, le quintuple vainqueur du rallye-raid à moto s’attaque au Dakar 2019 avec une nouvelle team (la X-Raid MINI JCW) et un nouveau véhicule (un buggy MINI John Cooper Works), mais toujours la même ambition : aller chercher sa première victoire en voiture. Depuis son QG andorran, l’homme de Nemours nous raconte sa préparation, sous toutes ses formes.

Découvrez la préparation de Cyril Despres en images avec le premier épisode de Road to Dakar :

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Cyril Despres - Road to Dakar, épisode 1

Plongez dans les coulisses de la préparation du pilote français Cyril Despres pour le rallye raid Dakar 2019 au Pérou en Amérique du Sud.

Te remettre dans le bain du Dakar n’a pas été trop dur mentalement après la déception de janvier dernier ?
Alors attention, si n’est pas une grosse satisfaction de finir si loin au classement, je ne prends pas ça comme une déception énorme. Ça fait partie des aléas de cette course, qui est l’une des plus dures au monde pour les pilotes et les machines, et je la respecte. C’est juste une nouvelle leçon du Dakar : se rappeler qu’un petit caillou est parfois comme un iceberg, avec une partie cachée plus grosse que ce qui dépasse.
Donc tu es vite passé à la suite…
Oui. De toute façon, ça ne s’arrête jamais vraiment. Le Dakar, pour moi, c’est une façon de vivre. Surtout que 2018 était une année de transition, puisque Peugeot s’est retiré et que je devais retrouver un bon team et une bonne voiture pour me bagarrer aux avant-postes. Dès mars, j’étais dans les starting-blocks.
Tu t’es aussi beaucoup préparé physiquement. Et c’est une partie du travail que le grand public méconnaît un peu.
Oui, mais je l’ai toujours fait. Plus que la moyenne. J’ai préparé 14 Dakar à moto, où la lutte est de tous les kilomètres. C’est hyper-éprouvant. Quand je suis passé aux voitures, j’ai continué sur la même lancée. C’est important pour bien tenir le volant, être vif sur les pédales, rester lucide et ne pas être atteint par la fatigue et la température.
Mais tu fais donc des exercices adaptés au pilotage d’une voiture ?
Oui. En moto, tu as besoin d’être costaud sur tes jambes, d’avoir des abdos et des lombaires en béton. En voiture, on insiste sur le cou, les bras, la vision…C’est autre chose. Et puis j’ai réduit les séances. À l’époque moto, je faisais 30 à 35 heures de sport par semaine. Aujourd’hui, c’est plutôt une vingtaine. Mais être sans prêt sans aligner toutes ces heures de cardio, de gymnase, de ski, de course ou de VTT, pour moi, c’est impossible. Ça fait partie de ma vie. Là, je sors du gymnase par exemple. Je suis rentré à minuit de Dubaï, mais ce matin à 9 heures, j’étais à l’entraînement.
Road to Dakar, épisode 2 :

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Cyril Despres - Road to Dakar, épisode 2

Plongez dans les coulisses de la préparation de Cyril Desprès pour le Dakar 2019 en Amérique du Sud avec la série Road to Dakar.

Ce qui fait donc de toi une exception dans le milieu ?
Je ne regarde pas beaucoup ce que font les autres, mais disons que mon physique a toujours été un atout. En moto, ça m’a servi à rester sur mes roues. J’ai fini 13 Dakar sur 14, dont 11 sur le podium. J’étais fiable, solide et puissant. En voiture, ça reste une qualité.
Tu travailles donc avec un entraîneur ?
Oui, le même coach argentin depuis des années. Il me programme mes charges de travail par rapport à mes envies et en fonction des saisons. Il adapte les sports pour alterner entre intérieur et extérieur. L’idée, c’est de répartir le travail sur les différents groupes musculaires.
Moi, le foie gras, la dinde aux marrons, le champagne, je ne sais pas trop ce que ça veut dire.
Cyril Despres
C’est un boulot que tu vas poursuivre jusqu’au départ ?
Oui, mais les séances vont se réduire la semaine prochaine. C’est ce qu’on appelle « faire du jus ». Tu habitues ton corps à de grosses charges de travail toute l’année, et à partir du moment où tu baisses le rythme, tu montes en puissance. Ton corps se régénère pour être prêt le jour J.
Road to Dakar, épisode 3 :

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Cyril Despres - Road to Dakar, épisode 3

Plongez dans les coulisses de la préparation de Cyril Despres pour le rallye raid Dakar 2019 en Amérique du Sud dans l'épisode 3 de Road to Dakar,.

Mais tu n'as quand même pas vraiment fêté Noël…
Ah c’est sûr, moi, le foie gras, la dinde aux marrons, le champagne, je ne sais pas trop ce que ça veut dire (rires.) En 18 ans, c’est la deuxième fois seulement que je suis avec ma famille pour Noël et le jour de l’an. Mais le 24 décembre, de 10h à midi, j’ai eu un entraînement. Et l’après-midi, 120 minutes de vélo. Pour un pilote qui aime le combat, l’aventure et l’endurance, le Dakar c’est comme les Jeux Olympiques. Tout est réuni. Mais ça demande du travail.
Et des sacrifices familiaux, aussi. D’ailleurs, tu as deux filles, de 5 et 8 ans, ce n’est pas trop compliqué pour elles et toi ?
Non. J’étais déjà pilote de moto quand elles sont nées. Et on leur a beaucoup expliqué. Quand je m’enferme dans le gymnase de 8h à 11h un dimanche matin, elles ne viennent pas taper à la porte. Mais bon, après, elles n’aiment pas forcément le Dakar non plus. C’est un truc qui leur enlève leur papa pendant quatre semaines. Et elles ne suivent pas la course. Même ma femme ne m’a jamais vu derrière un volant. Si je partais sur une plate-forme pétrolière pendant un mois en janvier, ce serait pareil pour elles (rires.)
Vous ne gardez pas le contact pendant la course ?
Je coupe pas mal. J’ai vraiment besoin de m’isoler. J’appelle pendant les jours de repos. À ce moment-là, ma mère vient vivre spécialement chez moi en Andorre, et la famille se regroupe pour régler tous les petits problèmes du quotidien. Comme ça, je n’ai pas à les connaître et que ça ne pollue pas trop ma concentration. C’est un peu égoïste, mais je n’ai pas rencontré beaucoup de champions qui n’étaient pas égoïstes. Niveau carrière, en tout cas.
Et comment s’est déroulée la prépa technique ? Tu as quand même changé de voiture cette année…
Oui et non. Chez Peugeot, j’avais un buggy 2 roues motrices à propulsion, très joueur, qui absorbait bien les chocs. Comme le buggy Mini, qui a les mêmes pneus, le même débattement, la même puissance, et quasiment le même poids. J’ai affûté mon pilotage sur ce genre d’engins, donc la transition a été cool. Je savais exactement ce que je devais modifier pour retrouver mes sensations. Et puis, je bénéficie de l’expérience de Mini, qui fait du rallye-raid depuis de nombreuses années.
Et tu as pu en parler avec tes coéquipiers, Carlos Sainz et Stéphane Peterhansel, qui n’ont pas changé, eux.
Bien sûr, on a échangé lors de chaque essai. On est un trio un peu décalé parce que le rallye-raid, c’est un sport individuel. Même s’il y a un co-pilote. Il y a donc peu d’esprit d’équipe. Mais nous avons su construire une amitié, une entraide, et développer la voiture ensemble. On fait ça depuis 4 ans et on a gardé le même état d’esprit chez Mini. Et comme les trois derniers Dakar ont été remportés par Carlos et Stéphane, je pense que ça marche !
Cyril Despres, en route pour le Dakar 2019

Cyril Despres, en route pour le Dakar 2019

© Sam Decout

Comment tu approches ce Dakar 100% péruvien ?
Je suis partagé. J’y ai de bons souvenirs associés à des victoires à moto, mais cette course-là va être intense. Notamment parce qu’elle va être plus courte de quelques jours mais que les étapes seront longues quand même. Il ne faudra rien lâcher.
Et puis, sur un Dakar, il y aura toujours des imprévus…
Oui, mais de toute façon, je me suis toujours dit que je n’allais pas pouvoir tout gérer. Pas sur 3000km de spéciales. Il faut se dire qu’il y aura effectivement des problèmes inattendus et qu’il faudra les gérer vite et bien. Des aléas, il y en a pour tout le monde, et c’est celui qui les solutionne le mieux qui tire son épingle du jeu.
Tu fais ça depuis 18 ans. On ne se fatigue pas de la course, au bout d’un moment ?
Non, parce que je n’ai jamais trouvé quelque chose qui me motivait autant. J’ai un métier à la base, je suis mécanicien. Et j’aime vraiment la mécanique. Mais savoir que je vais tout donner pour réussir, c’est génial. Et ça se traduit souvent par de très bons résultats.
Comment tu seras le 6 janvier prochain, sur la ligne de départ ?
Il y a aura un mélange d’envie de bien faire et d’appréhension. Mais le stress vient surtout quand tu n’as pas fait tout ce que tu avais prévu de faire avant. Ça m’est arrivé quelques fois suite à des blessures, et je n’étais pas serein. Mais cette année, tout se présente bien. J’ai envie d’y aller. Et puis, ce n’est pas vraiment un saut dans l’inconnu…

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Cyril Despres

Le pilote Français a remporté 5 fois le Rallye Dakar moto entre 2005 et 2013. Il y a aussi participé en voiture en 2020 avec Mike Horn et en 2021 et 2022 avec une voiture laboratoire à hydrogène.