Les consignes d'équipe ont toujours fait partie de la Formule 1. La preuve en cinq consignes d'équipes de F1 marquantes.
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F1

La saga des consignes d'équipe en F1

Antisportives pour certains, nécessaires pour d'autres, les consignes d'équipe ont toujours fait partie du paysage de la F1. La preuve en cinq épisodes marquants.
Écrit par Red Bull France
Temps de lecture estimé : 6 minutesPublié le
C’est l’un des épisodes les plus controversés de l’histoire de la F1. Le 12 mai 2002, lors du Grand Prix d’Autriche, Rubens Barrichello mène toute la course et pense pouvoir enfin décrocher une victoire après trois GP catastrophiques. Le souci ? la Scuderia Ferrari ne l’entend pas de cette oreille et demande au brésilien de laisser passer son coéquipier Michael Schumacher dans les derniers mètres. Quelques minutes plus tard, Schumi, alors en tête de championnat, cède sa première place sur le podium à Barrichello sous les huées du public. Une controverse qui vaudra 1 million de dollars d’amende à Ferrari, et poussera la FIA à interdire les consignes d’équipes dans la foulée. Ce qui n’empêchera pas les équipes de faire passer des ordres codés avant le retour officiel des consignes en 2010.
Mais voilà : les "team orders" sont aussi vieux que la F1, et les mésaventures de Charles Leclerc, désavantagé par Ferrari, selon lui, au profit de Sebastian Vettel lors du GP de Singapour, prouvent qu'ils ne vont pas disparaître demain. On revient donc sur les petits drames et les grandes polémiques qu'ils ont pu engendrer au fil des ans.

1964 : Bandini Bandini !

En 1964, le championnat du monde de Formule 1 a 14 ans, et depuis longtemps déjà, les directions techniques s’arrangent pour contrôler les courses depuis les paddocks. C’est le cas des patrons de Ferrari, au Mexique, lors du dernier Grand Prix de la saison. John Surtees, pilote de la Scuderia, est au coude à coude avec Jim Clark (Lotus-Climax) et Graham Hill (BRM). Il a besoin d’une seconde place minimum pour décrocher le titre de champion du monde. Son coéquipier Lorenzo Bandini se charge donc du sale boulot, percute Graham Hill, prend la seconde place et la lâche à Surtees au dernier tour. Le début d’une longue saga pour Ferrari.

1982 : « Ce Prost est un vrai petit con »

Prost, ici au Grand Prix de Monaco en 1982, a remporté sa première victoire en F1 au GP de France.

Alain Prost en 1982

© DPPI

Les consignes d’équipe accouchent parfois d’un mélodrame lorsqu’elles ne sont pas suivies. Retour rapide : nous sommes au Grand Prix de France 1982, et après 10 manches, Renault est au plus mal en championnat. Sa seule chance : favoriser Prost, cinquième, au détriment de René Arnoux, 16ème. « Avant la course, nous avions décidé que, si nous étions premier et deuxième, Alain devrait gagner » explique ainsi Jean Sage a posteriori. Un scénario qui se réalise presque sur la piste du Castellet. À ceci près qu’Arnoux, premier, refuse de céder sa place à Prost, ignore les panneaux de son team, et va chercher la victoire. Mécontent, le Professeur se mettra une partie de la France à dos en râlant après la course. « Vous avez eu raison Monsieur Arnoux, ce Prost est un vrai petit con » lui dira même un pompiste en le confondant avec son coéquipier.

1998 : La trahison de Ralf

Les Formule 1 d'Eddie Irvine et David Coulthard après leur crash au Grand Prix de F1 de Belgique en 1998.

Après le célèbre carnage de Spa en 1998

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Un crash historique, une quasi-baston entre Coulthard et Schumacher, des petits arrangements sur la piste et de sales affaires en coulisses : le GP de Belgique 98 est à la F1 ce que l’épisode du Red Wedding est à Game of Thrones. Explications : suite à un carambolage provoqué par Coulthard, un second départ et un autre accident (toujours provoqué par l’Ecossais) dans lequel Schumi perd une roue et son calme, les Jordan de Damon Hill (1er) et Ralf Schumacher (2ème) roulent en tête. Sautant sur l’aubaine, Hill et Eddie Jordan gèlent les positions, interdisant à Ralf d’attaquer son coéquipier. S’estimant trahi, Ralf ne lâche pas un mot dans la foulée, mais envoie son frère hurler auprès de Jordan, qui suggère à l’ainé des Schumacher de racheter la clause du cadet mécontent. Ce sera fait. La saison suivante, Ralf roulera chez Williams.

2008 : Le crashgate de Singapour

Les monoplace s'élancent au départ du Grand Prix de Singapour du Championnat du monde de F1 2008.

Départ du Grand Prix de Singapour 2008

© Ferrari

Le GP de Singapour fut la première course nocturne de l’histoire de la Formule 1, et aurait dû rester dans les annales pour cette simple et unique raison. Mais bien évidemment, à ce stade de l’article, vous vous doutez bien que ce n'est pas le cas. Pour rappel, Singapour est la 15ème course de la saison 2008. Hamilton domine le classement et Renault est à la ramasse. On s’étonne donc de voir Fernando Alonso, star de l’écurie française, rentrer aux stands dès le 12ème tour. Mais coup de chance, Nelson Piquet Jr se crashe contre un mur dans la foulée et provoque l’intervention de la safety car. En sachant qu’en 2008, la voie des stands reste fermée tant que tout le peloton n’est pas derrière la dite voiture de sécu.
Le résultat ? La majeure partie des pilotes doit attendre avant d’effectuer son premier arrêt, et Alonso, ravitaillé avant les autres, en profite pour prendre la tête et ne plus la lâcher. Dans la foulée, une enquête officielle de la FIA démontrera que Flavio Briatore (alors directeur de l’écurie) et Pat Symonds (ingénieur Renault) avaient entièrement planifié l’incident. Le premier sera radié à vie de la F1, le second suspendu 5 ans, et Fernando Alonso blanchi après avoir assuré ne pas avoir été mis au parfum. Ce dont doutait ouvertement Felipe Massa en 2014 : « Bien sûr qu’il était au courant, mais il ne le dira jamais. »

2010 : Fernando est plus rapide, ok ?

En 2010, suite à une consigne d'équipe Felipe Massa a laissé sa place à Fernando Alonso au Grand Prix de Singapour de F1.

Fernando Alonso à Singapour en 2010

© Ferrari Media

En 2010, les consignes sont toujours techniquement proscrites, mais certaines écuries s’arrangent donc pour continuer à en émettre de façon plus ou moins transparente. Et cette année-là à Hockenheim, Ferrari ne se donne même pas la peine de coder les siennes. Pas de combinaisons de chiffres, pas de métaphores alimentaires façon Radio Londres, et même pas de morse : pour signifier à Felipe Massa qu’il ferait bien de laisser sa place à Fernando Alonso, deuxième du classement général, la Scuderia se contente de ce message radio : « Fernando est plus rapide que toi. Peux-tu me confirmer que tu as compris le message ? » Apparemment oui, puisque le Brésilien perd deux secondes dans la boucle suivante et rate un changement de vitesse qui lui coûte – comble de malchance – sa place. Alonso gagnera donc le GP, mais Ferrari écopera de 100 000 euros d’amende dans la foulée.