Grame Obree sur son vélo dans la position de l'oeuf lors de son record du monde de l'heure en 1993.
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Cyclisme

Graeme l’OVNI

En 1993, un coursier fabrique un vélo à l’arrache et bat le record du monde de l'heure. Retour sur la carrière de Graeme Obree, entre innovations, embrouilles avec l’UCI et une machine à laver.
Écrit par Ruben Curiel
Temps de lecture estimé : 5 minutesPublished on
Nous sommes le 17 juillet 1993, à Hamar, en Norvège. Alors que la planète vélo a les yeux rivés vers le Tour du France, un cycliste écossais va révolutionner la discipline. Comment ? En s’offrant le record du monde de l'heure, détenu par le mythique coureur italien, Francesco Moser. Il faut préciser que Graeme Obree est un amateur. Qu’il a loué un vélodrome en Norvège pour ce record. Qu’il a bidouillé son vélo comme Bob le Bricoleur. Retour sur une histoire qui a changé la discipline à jamais.

Une machine à laver et un pote

Tout débute dans l’atelier miteux d’un ami de Graeme Obree. L’Écossais essaie à l’époque de construire son vélo. Mais l’adepte du DIY a besoin d’un axe de pédalier court, qu’il ne parvient pas à trouver. Dans le coin de l’atelier, une machine à laver git. Obree attrape une pièce de cette épave et l’utilise pour son axe. Mieux, il continue son œuvre en trouvant un bout de métal au bout de la route pour finir son deux-roues. Et part donc à la conquête d’une marque mythique et très importante aux yeux des cyclistes et des amoureux du vélo. Le défi est immense. Le record de distance parcourue en une heure appartient à Francesco Moser et son palmarès légèrement fourni avec un Tour d'Italie 1984 et Paris-Roubaix en 1978, 1979 et 1980. Le tout depuis neuf ans. Dans son autobiographie, "The Flying Scotsman", le natif de Nuneaton raconte la galère pour venir à bout du record. Dans le vélodrome norvégien, il échoue d’abord à effacer la marque du coureur italien. Mais il s’y attelle une nouvelle fois, avec seulement 24 heures d’écart entre les deux tentatives. Résultat, il parcourt 51,596 kilomètres en une heure. La planète vélo détourne alors son regard du Tour de France pour s’intéresser à ce coursier écossais qui bat le record d’une légende avec un vélo bricolé. Sur la Grande Boucle, les réactions divergent, comme on peut lire dans l’Humanité, du lundi 19 juillet 1993 (oui, on est allé chercher loin) : « Quand on me l'a annoncé pendant l'étape de samedi, j'ai failli me foutre dans un fossé, confirme le second. C'est marrant, mais on s'était habitué au record de Moser. Venant d'un inconnu, quel effet ! » balance Francis Moreau. Charly Mottet est lui abasourdi par cette performance : « Je suis comme un gosse. À mes yeux, il s'agit de l'exploit de l'année, au sens large. » Mais une question se pose. La position d’Obree sur le vélo est-elle légale ?

Obree et la position l’œuf

Il faut dire que Graeme Obree étonne sur son vélo. Positionné la tête en avant, il crée une manière de pédaler totalement révolutionnaire. Aussi, il vient gentiment titiller Chris Boardman, coureur professionnel. « Sur le coup j'étais vraiment énervé. Depuis six mois, j'avais annoncé ma tentative pour le 23 juillet. J'avais galéré pour me préparer et trouver de l'argent et, sans prévenir, il bat le record qui m'était promis » se souvient le cycliste britannique. Six jours plus tard, Boardman efface la marque de l’Écossais. Qui ne va pas lâcher l’affaire ainsi. Avec sa nouvelle position dite de « l’œuf », il devient champion du monde de poursuite individuelle devant Philippe Ermenault et ce même Chris Boardman. Mieux, il récupère son record un an plus tard, à Bordeaux, en parcourant 52,713 kilomètres en une heure. Mais cet amateur incroyablement déterminé va devoir affronter les pontes de l’UCI de l’époque. Pas vraiment satisfaits de voir qu’un ancien coursier bat des professionnels, ils vont légiférer sur cette position (et l'interdire) ainsi que sur la composition des vélos. Peu importe, Obree s’adapte. Il revient aux Championnats du monde 1995 avec une nouvelle position qu’il nomme « Superman ». Qui consiste à tendre les bras devant lui. Ce qui énerve particulièrement l’anglais Chris Boardman, qui se bat pour récupérer son dû en portant la marque à 56,375 km, en septembre 1996. L’UCI n’apprécie toujours pas cette guerre des records. Et va y mettre fin, avec la charte de Lugano qui règne encore aujourd’hui.
L'écossais Graeme Obree à la une de l'Équipe après son record du monde l'heure en 1993.

La Une de l'Équipe après le record d'Obree

© L'Équipe

Alors que Graeme Obree tombe un peu aux oubliettes, victime des règles de l’UCI, Chris Boardman va lui mettre définitivement un terme à ce duel. En 2000, il abandonne la position « Superman » et le vélo sophistiqué pour tenter de battre ce record, avec le matos utilisé par Eddy Merckx, qui détenait cette marque en 1972. Il décroche ce record pour 10 mètres (49,441 km) : « J'avais trente-deux ans, je n'étais plus au sommet de ma forme mais j'avais besoin de ce record pour ma crédibilité. C'était une façon de tout nettoyer et de dire au revoir » avoue le Britannique, à l’époque. Graeme Obree ne fait plus parler de lui depuis bien longtemps. Mais restera à jamais comme le coursier qui a battu un record avec un vélo bidouillé à l’arrache.
Le mot de la fin revient à Francis Moreau : « Obree n'avait pratiquement rien. Pas d'argent, pas d'infrastructures, pas de logistique comme on peut les rencontrer dans ces genres de tentatives. Souvenez-vous du record de Moser et la débauche de technologie qui avait entouré sa préparation à Mexico. Sur les ordinateurs, on pensait avoir une réponse à tout : Obree nous ramène à la réalité. » Une réalité ou David peut battre Goliath.
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