Bonjour Henri ! Est-ce que tu peux nous préciser ton rapport à Fornite ? Est-ce un jeu sur lequel tu as l’habitude de passer du temps ou as-tu simplement été attiré par l’aspect esthétique et technique du planeur ?
C’est vraiment l’aspect esthétique ! Je n’ai hélas pas beaucoup de temps pour jouer à Fortnite, d’ailleurs je ne suis pas un gros gamer ! Mais dans les jeux comme dans d’autres œuvres (des films, des séries...), j’adore regarder ce qui relève des objets imaginaires et voir s’ils seraient réalisables dans la réalité. Ou si au contraire c’est un pur fantasme ou une pure création de fiction qui seraient impossibles à recréer dans la réalité à cause de contraintes diverses ou de proportions pas vraiment réalistes. C’est vraiment ce qui m’amuse dans un tel projet : comprendre à quel point c’est réaliste d’avoir un planeur avec cette forme, ou au contraire constater à quel point on se moque de nous ! (rires)
D’autant plus que tu peux refermer et rouvrir dix fois d’affilée le planeur de Fortnite, pas question de faire ça dans la réalité !
Oui, c’est ça ! Je veux vraiment essayer de voir si on peut s’approcher de quelque chose qui fonctionne en essayant de ne pas trop s’éloigner de l’objet tel qu’il est présenté. C’est un peu l’objet de ces deux vidéo ! D’ailleurs, on a dû adapter quelques petites choses pour que ça ait une chance de fonctionner, en modifiant la forme de l’aile du planeur, sans quoi ça n’aurait pas fonctionné du tout !
Je crois que c’est une des premières fois que tu travailles sur un objet venu du monde du jeu vidéo ?
Oui ! Il y a longtemps, j’avais reproduit un fusil lance-disque issu du jeu Far Cry : New Dawn. C’était super intéressant à faire, puisque ça avait un côté post-apocalyptique, j’avais dû utiliser pas mal de matériaux de récupération pour obtenir un rendu fidèle. Pour le planeur, le challenge c’était un peu le contraire : s’orienter vers quelque chose de plus futuriste avec des LED partout, des diodes, des tubes… Et pour reproduire ces formes un peu science-fiction propres à l’univers de Fortnite, j’ai dû passer par pas mal d’impression 3D. Au début, j’ai essayé de faire tout à la main, mais c’était impossible (rires), ça aurait vraiment pris beaucoup trop de temps. Alors on a forcément dû en passer par l’impression pour certaines formes très nettes et très précises.
D’ailleurs, est-ce que tu as rencontré des difficultés particulières en construisant le planeur ? Des choses ou tu te disais « ça va être facile » et finalement, c’était un plan galère ?
Au début du projet, mon objectif était de faire quelque chose qui soit à la fois très léger et très résistant. Donc j’ai essayé de faire le corps du planeur en mousse en ajoutant de la fibre par-dessus. Sauf que c’est le genre de truc pour lequel il vaut mieux avoir un moule. Mais réaliser un moule avec exactement la bonne forme aurait pris beaucoup trop de temps ! Je suis donc parti en mettant juste de la fibre et de la résine par-dessus la mousse, en recherchant un résultat à la fois rigide et léger, mais le résultat n’était pas du tout satisfaisant. J’ai dû tout recommencer, ce qui a fini par me jouer des tours car le plastique d’impression 3D a toujours une certaine densité pour que les objets fabriqués soient assez résistants. Du coup, la partie en plastique s’est retrouvée à être beaucoup plus lourde que ce que j’imaginais, et on voit dans le deuxième épisode que ça a fini par poser un certain nombre de difficultés.
Oui, quand tu as fait ton premier saut, on voit que tu as eu un problème avec l’aile qui n’a pas eu le temps de se gonfler. Est-ce que tu as ressenti un côté frustrant ou décourageant, ou au contraire de la motivation à faire en sorte que ça fonctionne mieux ?
Non, ça nous a permis d’ajuster pas mal de choses pour le saut final ! Le premier et le deuxième saut, à deux mètres puis quatre mètres de haut, étaient un peu des tests, avec juste l’aile. Finalement, il n’y a qu’au troisième saut que l’on a mis toute la partie qui ressemble au planeur de Fortnite, et c’est là que le poids a été surprenant et que ça a eu une conséquence inattendue.
On laissera le public découvrir ça en vidéo, mais on rassure tout le monde : tu vas bien !
(rires) Oui, ça va !
Évidemment, quand on joue à Fortnite, la question du poids est complètement absente, car on ne parle pas de physique réaliste. Le vol plané est fait pour qu’on se sente léger. Et au troisième essai, quand tu sautes de très haut (plus de six mètres), le résultat n’était pas exactement celui du jeu. Est-ce que tu t’es senti déçu ou au contraire, un crash-test raté est une source d’apprentissage ?
Je n’étais pas du tout déçu ! Au contraire, j’ai réussi à aller au bout du challenge alors qu’au début, je ne savais pas si j’allais réussir à faire tout ça et à m’élancer depuis la tour.
Rien que construire une tour pour s’élancer depuis aussi haut, c’est vraiment impressionnant.
Oui ! Et quand je suis monté tout en haut à la fin de la construction, je n’étais vraiment pas rassuré. J’avais les yeux à huit mètres de haut, c’est impressionnant. J’étais content d’avoir été au bout, d’avoir réussi à sauter et finalement de ne pas me faire trop mal (rires). L’aile a piqué, mais j’ai quand même été ralenti, l’accélération était assez douce. Je n’étais pas en chute libre, mais ça allait bien vite quand même, c’était un peu flippant !
Après cet essai, je me suis posé la question de faire un deuxième saut, en enlevant la partie « Fortnite » du planeur et en ne gardant que l’aile, mais ça aurait un peu dénaturé le projet ! Non seulement le planeur n’aurait plus du tout ressemblé à celui de du jeu, mais en plus ça aurait été un peu dangereux ! Alors on s’est arrêté là, et c’était déjà très chouette.
Il faut limiter le côté littéral de « crash-test », c’est ça ?
Haha, oui, exactement. Il faut que le crash reste humainement gérable ! Mais pour un premier test, c’était vraiment très intéressant à faire, j’ai énormément appris. Et rien que pour se retrouver à sauter depuis aussi haut, ça valait vraiment le coup !
Si tu devais construire l’objet de jeu vidéo de tes rêves pour un prochain projet, tu penses que tu te lancerais dans quoi ?
Je ne veux pas spoiler sur ce qui est prévu pour la suite, mais dans l’idée, j’adorerai repartir sur des objets plus petits et plus minutieux. Des objets qui se rapportent plus à l’univers de la bijouterie, des choses comme ça !
Et si tu devais te lancer dans un projet impossible ? Un objet du monde du jeu vidéo qu’il serait absolument impossible de créer en l’état, comme la cape d’invisibilité de Metal Gear ou un téléporteur façon Metroidvania, tu aurais une envie particulière ?
Quelque chose d’impossible ? C’est une bonne question. Je n’y ai jamais vraiment réfléchi en profondeur, mais si je pouvais, j’adorerais créer des choses en s’affranchissant des contraintes physiques : effectivement l’invisibilité, la téléportation… Mais par contre, sans aller jusqu’à des objets impossibles il y a souvent des choses qui font qu’on peut s’en rapprocher ou donner l’illusion qu’on a fait quelque chose d’impossible ! D’ailleurs, en parlant de physique impossible, une chose que j’adorerai faire c’est travailler sur des véhicules. Des choses à la Rocket League, par exemple !
Il va te falloir un casque vraiment renforcé ! Dans Rocket League, les voitures se retournent, roulent sur les murs, se percutent…
Oui (rires). Mais sans aller jusqu’à faire des véhicules à taille réelle, je pourrais aussi faire en sorte de les miniaturiser et de faire rouler des versions miniatures sur un circuit qui imiterait l’univers du jeu… Bref, il y a vraiment plein de possibilités pour s’amuser à recréer des objets improbables du monde du gaming !
Pour finir, est-ce que tu as quelque chose à ajouter sur toute cette expérience et sur ce qu’elle t’a apporté ?
Toute cette aventure de recréer le planeur de Fortnite, ça a vraiment été, de loin, le projet le plus impressionnant sur lequel j’ai travaillé ! Mais c’était aussi le plus complexe, car je n’avais pas beaucoup d’expérience dans les ailes, les planeurs, les machines volantes… J’ai donc dû faire pas mal de recherches pour construire quelque chose qui avait du sens et qui avait une chance de fonctionner. Donc techniquement c’était très intéressant et très complexe… Mais surtout extrêmement flippant, parce que au final ça revenait à construire un truc soi-même de A à Z et de sauter avec depuis une tour à six mètres de haut ! Alors d’accord, il y avait un tas de cartons en bas pour amortir, mais ça reste vraiment la chose la plus flippante que j’ai pu faire de toute ma vie !
Oui, au final tu es tombé d’encore plus haut que les gens qui font du saut à la perche !
Environ deux mètres de plus oui, et en plus la réception c’était sur une pile de cartons, et pas des tapis d’athlétisme conçu pour amortir le choc ! Mais bon, effectivement je m’en suis pas trop mal tiré ! En fait, ce qui était le plus dangereux et auquel on a dû faire le plus attention pendant la conception puis pendant les essais et le saut final, c’était le planeur en lui-même. Il avait une structure en métal, avec des angles et des coins un peu tranchants, d’où le fait qu’on ait isolé certaines parties avec des torchons, par exemple, pour faire en sorte de limiter les risques au maximum.
Eh bien Henri, merci pour tes réponses et tes précisions, on te souhaite de grandes réussites pour tes prochains crash-test !
Merci beaucoup, à très bientôt !