Pour vous, tout commence à la fin des années 1990 à la Montpellier Business School, où vous étudiez. Vous étiez déjà intéressé par les sports extrêmes ?
Complètement. J’ai commencé le BMX en 1979. J’en ai fait pendant 7 ans jusqu’à mon déménagement en région parisienne. J’étais très branché “race”, à l’époque. Je me rappelle qu’avec mes potes, on créait nos propres quarter-pipes dans la rue. Puis, lorsque je suis arrivé à Montpellier en 1986, je me suis rapidement mis à la planche à voile. J’en ai fait pendant près de 12 ans. J’étais tellement fan que j’ai pris un aller simple pour Hawaï dans le but de faire un stage là-bas. Mon rêve était de passer pro mais mon père ne voulait pas.
Comment en êtes-vous arrivé à imaginer le concept du FISE ?
Ma volonté première, c’est de créer un festival gratuit qui réunissait tous “nos” sports (extrêmes, ndlr). Avec quelques copains, dans le cadre d’un projet étudiant, on s’est lancés. Il faut aussi savoir que j’avais déjà essayé de monter, entre 1995 et 1996, un projet similaire mais beaucoup moins ambitieux que le FISE.
Comment, quand on est étudiant, on organise un événement de cette ampleur ?
À l’époque, je suis un étudiant convaincu qu’il peut tout faire et qui ne réfléchit pas trop. La première chose à faire, c’est trouver des sponsors. En septembre 1996, je me rends à la Glisse Expo sur la côte basque et je convainc Quicksilver de me donner quelques t-shirts. En parallèle, une petite marque nommée Tattoo me sponsorise à hauteur de 20 000 francs et, via un shop nommé “Vague et Vent”, je parviens à inviter Robby Naish (légende de planche à voile, ndlr) et Parks Bonifay, un tueur en wakeboard. Je parviens aussi à convaincre Alex Jumelin (quatre fois champion du monde de BMX flat, ndlr) via le programme “1 minute pour un projet” sur NRJ. Je peux également compter sur le soutien de mon école qui fête son centenaire cette année-là et a donc un peu de budget de côté. Elle me met également à disposition des avocats, des comptables et des bras pour aider à la mise en place.
L'époque Grammont était assez folle, nous n’avions presque aucune limite. Il y avait des concerts tous les soirs, un camping intégré… C’était très Woodstock dans l’esprit.
Racontez-nous le déroulé de cette première édition…
L’événement se tient à Palavas-les-Flots les 29 et 30 mars 1997. Par chance, nous avons une superbe météo et cela pousse les gens à venir en nombre : près de 25 000 personnes sont au rendez-vous ! Je pense que cet engouement s’explique par la culture très “watersports” de Palavas et par la présence de grands noms des sports nautiques comme Robby Naish, ou encore Manu Bertin (qu’on avait fait venir directement d’Hawaï). Ce premier événement, même s’il m’a fait perdre 10 000 euros (que mon père m’avait prêté et que j’ai dû rembourser), c’est l’aboutissement d’un an de travail acharné et de nombreuses nuits blanches...
Après le succès de la première édition, comment envisagez-vous la suite ?
Après la première édition, je crée Hurricane et je prends une année de césure afin de me consacrer pleinement à l’organisation de la deuxième édition. Fort du succès du premier FISE, je réussis à attirer des plus gros sponsors. À partir de ce moment précis, la mayonnaise commence réellement à prendre et je ne suis plus déficitaire. Je m’entoure de plus de gens et la mairie de Palavas m’aide même à financer une méga rampe…
En parlant de Palavas, vous finissez, en 2003, par quitter la ville pour aller à Montpellier. Expliquez-nous ce choix.
C’est un peu contraints et forcés que nous avons dû délocaliser le FISE à Montpellier. L’affluence ne nous permettait plus de garantir la sécurité du public. Nous avions même mis en place des systèmes de bateaux pour faciliter l’évacuation en cas de mouvements de foule. Mais ils n'ont heureusement jamais été utilisés. Attentif à la situation du FISE, Georges Frêche, le maire de Montpellier de l’époque, nous propose de délocaliser l’événement à l’espace rock de Grammont. Cette époque était assez folle, nous n’avions presque aucune limite. Il y avait des concerts tous les soirs, un camping intégré… C’était très Woodstock dans l’esprit. Nous avons d’ailleurs perdu une partie de notre public à cause de ça, ils ne s’y retrouvaient plus vraiment…
De l’espace Grammont, vous passez sur les berges du Lez…
De mars, l’événement est passé à juin. Seul problème, il faisait beaucoup trop chaud sur la plaine de l’espace Grammont. J’ai donc souhaité bouger et je me suis rapproché de Georges Frêche pour savoir si nous pouvions investir les berges du Lez. Il m’a dit “go”. Là-bas, nous avons trouvé un espace idéal car les berges font des gradins naturels et les gens peuvent se promener au fil de l’eau et passer d’aire en aire. Bon, nous avons eu, au début, quelques petits problèmes avec le voisinage… qui se sont vite réglés. Cela fait maintenant 15 ans que nous y sommes.
En 2014, vous décidez de délocaliser le festival à l’étranger. C’était la suite logique pour le FISE ?
Dès 2003 nous tournions à l’étranger. Nous sommes allés à Dubaï, en Algérie, en Tunisie… Mais cela s’apparentait plus à une sorte de cirque qu’autre chose (rires). Puis nous avons voulu grossir et lancer une vraie tournée internationale. Suite à notre “appel d’offres”, la Chine, Andorre et la Malaisie ont répondu présents. C’est comme ça que le FISE World Series a commencé. L’objectif était vraiment de créer une tournée mondiale avec un prize money à la fin pour chaque athlète, dans chaque discipline, pour chaque événement.
Nouvelle étape en 2016 : le partenariat avec l’UCI en BMX park. Comment tout cela s’est organisé ?
C’était comme une évidence. Avec le FISE World Series, nous avions un circuit mondial, des infrastructures, des juges très bien formés… Je pense tout simplement que la discipline était prête à avoir une coupe du monde. Après, travailler main dans la main avec l’UCI ne change évidemment rien à l’ADN du FISE, qui doit rester un événement fun et décomplexé. L’ADN des sports extrêmes, c’est aussi prendre du plaisir.
Ces sports, justement, pensez-vous qu’ils sont revenus sur le devant de la scène ou se sont fait connaître en partie grâce au FISE ?
Oui, et vice-versa. Je pense que le festival a beaucoup bénéficié de l’explosion du roller, par exemple. Lorsque nous commençons, les compétitions qui brassent le plus de monde, c’est le roller. Au départ, la vraie masse du FISE, c’est le roller. Si ce n’est plus aussi haut aujourd’hui, nous continuons de garder cette discipline car c’est un peu grâce à elle si le FISE existe. On se bat depuis des années pour que ces sports dits “non-organisés” le deviennent, tout en gardant leur ADN. On a aussi toujours eu cette volonté d’enrichir le FISE de ces nouveaux sports afin de susciter des vocations. Dernier exemple en date : le parkour. On travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec la fédération et Charles Perrière des Yamakasi pour monter un circuit mondial.
De simple “festival”, le FISE est aujourd’hui devenu une belle ligne sur le palmarès des riders qui participent…
Tout cela s’est fait de manière progressive. Au début, 90% du niveau était aux USA et on a travaillé d’arrache-pied pour faire venir les riders de là-bas. Cela fait augmenter le niveau. Des mecs comme Dave Mirra (légende américaine du BMX) sont venus plusieurs fois et ont tiré le FISE vers le haut.
Diriez-vous que Montpellier est devenue la capitale française des sports extrêmes ?
Au départ, Montpellier, c’était un peu compliqué… Mais on a réussi à impliquer les collectivités, la métropole, la ville et la région Occitanie afin qu’elles nous aident à développer des infrastructures. Aujourd'hui, la ville compte énormément de parks, le centre d’entraînement national de BMX s’est implanté dans la ville… On le voit même au FISE : 60% des riders viennent de la région !
Vous parliez de BMX : l'histoire de son développement en France est étroitement liée à celle du FISE…
Complètement. J’en suis convaincu. Je suis d’ailleurs très proche de Matthias (Dandois, ndlr) et d’Alex Jumelin. On a notamment toujours essayé de pousser le flat au maximum dans tous nos projets. Cela fait 26 ans que l’on persévère pour que le sport aille le plus haut possible.
9 minutes
Time machine
Matthias Dandois se bat littéralement contre le temps qui passe en BMX dans une montre géante.
Si vous ne deviez retenir qu’un moment marquant du FISE, ce serait lequel ?
La première de Dave Mirra. Je me suis dit “Ah ouais, là, on y est. On a réussi”.
Qu’est-ce qu’on peut attendre de cette édition 2023 ?
250 riders en BMX park, 230 riders en trottinettes, 200 athlètes breakdance… On attend beaucoup de beau monde. On a aussi une toute nouvelle aire de flat couverte et le BMX park a été refait à neuf. Les riders vont apprécier !