WRC
Les dessous du mois de janvier record de Sébastien Loeb
En 9 jours, Sébastien Loeb est passé d’une 2e place sur le Dakar à une 8e victoire sur le rallye Monte-Carlo. Voici comment le Français a réussi un mois de janvier exceptionnel.
La fausse modestie ne fait pas partie du caractère de Sébastien Loeb. Quand le pilote français estime qu’enchaîner 15 jours de course dans le désert avec 4 jours de rallye WRC dans les montagnes n’est pas un problème, mieux vaut le croire sur parole. Il n’empêche, ce qu’a réalisé le nonuple champion du monde sur ce mois de janvier entre sa 2e place sur le Dakar et une victoire à Monte-Carlo reste une performance exceptionnelle, même pour lui.
“Quand vous pilotez ce genre de voitures avec une équipe d’élite comme la nôtre, vraiment, le Dakar n’est pas si compliqué.” Pour rappel, le Dakar cette année représentait tout de même 4000kms de course sur 14 jours avec une seule journée de repos.
Après 14 jours dans les dunes, Sébastien Loeb a terminé 2e du Dakar.
© Marcelo Maragni/Red Bull Content Pool
En 2 semaines en Arabie Saoudite, Loeb a roulé 39 heures au volant de sa BRX Hunter. Sa victoire à Monte-Carlo lui a pris 3 heures de conduite à haute vitesse supplémentaires. Mais toujours pas de quoi impressionner le phénomène des rallyes. “Tant que vous passez de bonnes journées sur le Dakar, vous passez aussi de bonnes nuits. On démarre à 7 heures du matin et on arrive en général entre 3 et 5 heures de l’après-midi. On a la direction assistée et l’air conditionnée dans les voitures. Ce n’est pas si dur. Moi, j’allais au lit très tôt car j’ai besoin de beaucoup de sommeil. Vers 20 heures, 21 heures ou parfois 22 heures, je dormais. Je n’étais pas à l’hôtel, sauf lors du jour de repos, mais je disposais quand même d’une caravane dans le bivouac. Je pouvais bien me reposer. Bien sûr, c’est plus difficile pour les amateurs sur les motos.
La transition, le moment clé
Quand Loeb a déclaré son envie d’enchaîner directement le Dakar et Monte-Carlo, il y a quand même eu quelques septiques. Une telle performance signifiait s’envoler de Riyadh le lendemain matin, juste après l’arrivée du rallye, passer une nuit à Genève et ensuite piloter son propre hélicoptère à travers les Alpes pour rejoindre Gap afin de participer au test pre-WRC du dimanche 16 janvier. “Je savais que ce serait un mois de janvier difficile, concède Loeb. Mais j’apprécie autant le Dakar et Monte-Carlo. J’ai donc décidé de participer aux deux évènements. Je ne me sentais pas fatigué quand j’ai quitté le Dakar. Le timing était serré et je n’ai pas eu beaucoup de temps pour voir ma fille, mais c’était le plan.”
L’une des clés de son succès a été le moment de la transition entre les deux voitures: l’imposante tout-terrain BRX Hunter et l’hybride M-Sport’s Ford Puma Rally1, la voiture la plus high-tech du WRC. “Je voulais faire le test le dimanche, explique Loeb. C’était important pour moi après avoir passé 15 jours dans le désert. Je voulais conduire la voiture WRC un peu plus longtemps pour trouver les sensations et le rythme.”
Loeb a eu une journée à la maison et une d’entraînement avant Monte-Carlo.
© @World/Red Bull Content Pool
Tout a parfaitement fonctionné. “Les sensations sont arrivées vite, poursuit Loeb. Je me suis assis dans la voiture et après deux runs, c’était bon. Faire le Dakar juste avant signifiait aussi que j’étais dans le rythme de la compétition. Même s’il s’agit d’une conduite complètement différente, j’étais affûté. Ce n’était pas comme si je me pointais juste après les fêtes de Noël.
Des voitures complètement différentes
Loeb l’admet, il n’y a rien à voir entre la voiture du Dakar et celle du WRC : “On ne peut pas comparer. L’une est lourde et pensée pour les dunes. Pour les plus longues étapes, si vous additionnez les 500 litres d’essence avec le poids de l’équipage, vous vous retrouvez à 2600 ou 2700kg. Les dimensions du véhicule sont aussi énormes. Mais la voiture reste agréable à piloter. Elle est réactive. On peut tout envoyer d’un côté à 160km/h et elle reste stable. En fait, vous pouvez faire à peu près ce que vous voulez au volant d’un tel engin.
En comparaison de la voiture utilisée par Loeb sur le Dakar, la Ford WRC est un poids plume avec ses 1350kg. Et ce n’est pas les 160kg supplémentaires autorisés pour stocker les batteries du moteur hybride cette année qui changent la donne: “Pour Monte-Carlo, la voiture est plus légère, plus puissante et avec beaucoup moins de suspension. Elle est beaucoup plus dynamique, réactive et plus petite. Et bien sûr, elle a un moteur hybride. Cela n’a pas changé pour autant mon pilotage. Il y a beaucoup de puissance et vous devez la gérer. Si vous roulez à fond, vous perdez le contrôle plus facilement. Mais je ne suis pas un pilote très agressif, donc pour moi ce changement n’a pas été un problème. J’ai essayé de rester efficace et de ne pas perdre la puissance du moteur hybride en patinant.
Plus de victoires d’étape pour Loeb au Dakar, mais pas encore au général
© DPPI/Red Bull Content Pool
Les pneus n’ont plus n’ont rien à voir…
Le rallye Monte-Carlo a permis à Loeb de choisir 4 pneus Pirelli. C’est le plus large choix dont dispose un pilote sur toutes les étapes du WRC. “A Monte-Carlo, il ne faut pas se tromper dans le choix des pneus. Le 2e jour, nous avions un peu de neige, alors j’ai pris les pneus hiver pour la roue avant gauche et la roue arrière droite. J’ai mis des soft pour la roue avant droite et la roue arrière gauche. Cela m’a un peu dérangé. Je me sentais plus confiant quand j’avais les mêmes pneus partout vendredi. Sur le Dakar, j’ai conduit avec les pneus soft et les mediums. Je n’ai toujours pas remarqué la différence entre les deux. On utilisait ce qu’on avait.
Copilote sur le Dakar et sur le WRC, un autre métier
Loeb n’a jamais été seul dans la voiture, ni sur le Dakar, ni sur le rallye Monte-Carlo. Le Belge Fabian Lurquin était son copilote dans le Hunter, alors qu’Isabelle Galmiche l’assistait dans la Ford Puma. “Le copilote a un travail complètement différent dans les deux évènements, détaille le champion français. “En WRC, il faut être dans le rythme. C’est difficile avec ces nouvelles voitures très rapides. Le copilote doit parler vite. C’est un travail spécifique. Il doit aussi gérer le temps, l’agenda et me dire les choses que j’ai à faire. Par exemple, il doit dire: ‘OK, tu dois charger l’hybride à 70% maintenant’. Beaucoup de paramètres à prendre en compte.
“Sur le Dakar, le rôle du partenaire est aussi très important, mais c’est avant tout une affaire de navigation. Avec la vitesse et les segments compliqués du roadbook, le copilote a beaucoup de pression. On peut perdre la course en une minute à cause d’une erreur. Il doit être concentré durant toute l’étape, qui peut durer plus de 4 heures. Fabian Lurquin a dû gérer beaucoup d’informations : lire le roadbook, me l’expliquer, me ralentir au bon moment pour trouver une autre piste. Quand vous vous perdez, vous devez réagir immédiatement et cela arrive tout le temps. Si vous manquez une jonction, vous devez réagir de la bonne manière pour trouver l’endroit que vous cherchez et ne pas vous perdre encore plus. Sans un bon copilote, il n’y a aucune chance de remporter un Dakar.”
Isabelle Galmiche est la nouvelle copilote de Loeb sur le Monte-Carlo.
© Jaanus Ree/Red Bull Content Pool
Quel est le rallye le plus dur ?
Loeb a remporté le rallye Monte-Carlo pour la 8e fois. Il attend toujours son premier succès sur le Dakar. Il connaît parfaitement les 2 évènements. Physiquement, un rallye dans le désert est sans aucun doute plus compliqué qu’une étape du WRC. Mais lequel est le plus dur psychologiquement ?
“Peut-être le Dakar”, répond Sébastien Loeb après une longue hésitation. Mentalement, vous avez déjà conduit pendant 10 jours et vous savez qu’il n’en reste plus que deux. Vous ne voulez pas tout perdre. C’est long. La pression de ne pas partir à la faute dans les dernières spéciales est grande. En revanche, sur un Dakar, le rythme est plus facile à gérer. Vous n’avez pas besoin de pousser à la limite partout. S’il y a un endroit que vous ne sentez pas, vous pouvez ralentir un peu. Sur Monte-Carlo, les 4 jours sont plus intenses. Vous savez que si vous ralentissez sur un segment, vous allez perdre trop de temps. Il faut toujours pousser, même s’il y a un risque d’erreur. En fait, les deux évènements sont compliqués.” Compliqués, en effet. Même pour une légende.
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