Le sherpa expérimenté Lakpa Rita nous parle de l'Everest et de ses expériences terrifiantes.
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Exploration

Sherpa, le métier le plus dangereux du monde ?

Lakpa Rita est un sherpa expérimenté. Il nous parle de l'Everest, des idées reçues sur le métier, des clients qui n'obéissent pas et de son expérience terrifiante après une avalanche.
Écrit par Tom Ward
Temps de lecture estimé : 4 minutesPublié le
Si vous voulez escalader une immense montagne, descendre vivant et raconter ensuite cette expérience, on doit vous parler de quelqu'un. Lakpa Rita Sherpa grimpe les endroits les plus dangereux du monde depuis sa majorité. 30 ans plus tard, il est considéré comme le meilleur Sirdar (mot indien qui désigne un chef militaire) du Khumbu (région de l'Everest). Comprendre, il faut suivre ses conseils si l'on veut affronter la terrible montagne et revenir en vie. Il a guidé 253 grimpeurs lors de 23 expéditions jusqu'au sommet de l'Everest. Il est le premier Sherpa à avoir escalader le point culminant de tous les continents.
Les présentations sont faites. On peut aussi vous dire que cette profession est risquée. Un tiers des personnes décédées en tentant de conquérir l'Everest sont des Sherpas.
Lakpa Rita est descendu de sa montagne pour nous parler du métier : entre clients têtus, ses techniques de préparations et l'absence totale de certitude dans ce genre de conquête.

Survivre à l'éloignement

"Escalader, c'est mon travail et je suis dans les montagnes huit mois de l'année. Les Sherpas sont souvent loins de leur famille et amis. Je suis toujours concentré sur ce que je fais, même si mes proches me manquent parfois. On pense vraiment au moment présent, un pas à la fois".

Faire face aux dangers

"C'est toujours difficile de guider les gens dans la montagnes. Et peu importe qui on guide. Souvent, ces personnes ne vous écoutent pas. On leur dit que le plus important dans ce genre d'escalade, c'est l'honnêteté avec soi-même et avec le guide. Il ne faut pas aller au-delà de ses limites et risquer la blessure. Quand on les prévient, on a l'impression qu'ils sont attentifs. Mais souvent, ça rentre par une oreille et ça sort par l'autre."

Une vie entière consacrée à cela

"Quand j'étais plus jeune, on n'avait pas de voiture. Donc on devait marcher des kilomètres pour avoir des vivres et les porter jusqu'à la maison sur le retour. Pour aller à l'école, je marchais tous les jours, quatre heures à l'aller et au retour. Tout cela m'a forgé et m'a permis d'avoir cette force physique."
"Lors de mon adolescence, l'alpinisme n'était pas encore connu et commercialisé comme aujourd'hui. Mais il y avait des précurseurs qui venaient de ma ville, Thame. Comme Ang Rita qui a grimpé l'Everest dix fois sans bouteille d'oxygène. Ou Ang Dorjee qui a plusieurs conquêtes de l'Everest à son actif et qui a guidé Bachendri Pal, la première femme indienne à atteindre le point culminant de cette montagne. Sir Edmund Hillary visitait notre école deux ou trois fois par an. Depuis, j'ai toujours voulu gravir l'Everest."

Les avalanches sont parfois inévitables

"Parfois, vous ne pouvez pas éviter les avalanches. Le plus gros risque, c'est de grimper avec des vents forts et un temps orageux. Il faut éviter d'escalader dans ces conditions. Si une avalanche se déclenche, il n'y a pas grand chose à faire. Je me suis retrouvé trois fois enseveli sous une avalanche : en 1984 sur l'Everest, lors de ma toute première expédition, les autres fois à Manaslu en 1986 et 2012. Nous étions dans nos tentes les deux dernières fois."

"Nous ne sommes pas des super-héros"

"Quand je guide des clients sur l'Everest, je ne suis pas autorisé à gravir sans oxygène. Mais j'ai escaladé des sommets de plus de 8000 mètres sans assistance. Je ne sais pas cela a un impact négatif sur le sport."

Le travail de l'ombre

"Nous n'avons pas beaucoup de temps pour apprendre à connaitre nos clients. Nous travaillons tout le temps, nous portons du matériel, nous installons les campements... Les clients ne voient pas forcément les efforts déployés pour eux. Certains pensent que gravir l'Everest est une chose facile, donc ils ne prêtent pas attention au Sherpa. Je demande souvent aux clients de discuter avec le Sherpa, pour comprendre le travail accompli dans des conditions dangereuses pour ce genre d'expédition."

Ce qu'un débutant doit faire

"Il y a plusieurs manière de se préparer pour une ascension. D'abord, il faut faire des courses de montagne pour travailler l'escalade. Une fois que vous savez grimper, il faut travailler le cardio et la force. Ensuite, vous pouvez vous entrainer sur une colline, en portant des gros poids ou en faisant de la randonnée pendant quatre ou cinq heures par jour. Il faut aussi travailler sur une montagne plus petite que l'objectif fixé. Vous n'allez que progresser lorsque vous affronterez des montagnes plus hautes."