Les Soul Flyers sont rentré la cabine d'un avion en vol en wingsuit en sautant d'une montagne.
© Max Haim
Wingsuit

Maman j'ai pas raté l'avion

En 1997, Patrick de Gayardon remonte dans la cabine d'un avion après avoir été largué en wingsuit. 20 ans après, les Soul Flyers rééditent l'exploit... mais en sautant d'une montagne. Ils racontent.
Écrit par Ruben Curiel
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Soul Flyers - A Door In The Sky

Les Soul Flyers, Fred Fugen et Vince Reffet, ont réussi à entrer en wingsuit par l'étroite porte d'un avion en vol, lancé à 147km/h. Revivez l'exploit des Soul Flyers dans la vidéo A Door in the Sky !

Salut les gars. Tout d’abord, comment est né ce projet ?
Vince Reffet: L’idée, c’était de célébrer les 20 ans d'un exploit de Patrick de Gayardon en 1997. Il s'était lancé d'un avion en vol en wingsuit pour rentrer à nouveau dans ce même avion. C’est un pionnier du parachutisme et aussi l’un des inventeurs de de la combinaison ailée. On s'en parlait déjà depuis un moment, et on s’est dit qu’on aimerait bien reproduire la même chose. Et au début de l’année, au petit matin, je me suis réveillé avec les restes d’un rêve et j’ai tout de suite dit à Fred (en caleçon, les cheveux en pétard tout droit sorti du lit) : « Il faut le faire, mais en partant d’une falaise ! »
Le wingsuiter Fred Fugen du duo des Soul Flyers avant d'entrer wingsuit dans un avion vol en vol.

Fred Fugen en plein vol

© Max Haim

Pourquoi avoir choisi de débuter la vidéo par des échecs ?
Fred Fugen : C’était pour montrer la difficulté du saut. Montrer des moments de galère pour que les gens ne croient qu’on était rentré du premier coup. Pendant l’entraînement, on n’a pas réussi à rentrer la première fois dans l’avion. On a d’abord fait des entraînements en Espagne, où on sautait de l’avion et on rentrait à nouveau dedans. On a fait beaucoup de tentatives pour y arriver. Ensuite, on a réussi à rentrer dedans plusieurs fois chacun pour s’entraîner à le faire en mode « saut d’avion ». C’est-à-dire avec des parachutes normaux, avec des secours, des systèmes de sécurité, et loin du sol. Le but c’était d’être calé sur le mouvement. Pour pouvoir le reproduire à la perfection au moment où on allait sauter d’une falaise.
C’est un entraînement différent de d’habitude ?
Quand on a débuté l’entraînement, on pensait que ça allait être plus simple que ça. On s’est rendu compte que c’était compliqué, et très mental. Il fallait être concentré à fond, avec des points de visées... Pendant la première session en Espagne, Fred a réussi à rentrer dedans, et moi j'ai échoué. Je me suis fait mal aux côtes en essayant de rentrer, donc je n’étais pas au top dans ma tête à ce moment-là. On s’est dit que ça ne servait à rien de continuer. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. On a refait une autre session un mois après. Là, on était mieux, on a réglé nos trucs, et c’est rentré tout de suite. Le premier jour, on a fait une rentrée dans le Pilatus. Je suis rentré en premier, Fred est rentré ensuite. On a checké les parachutes pour voir si tout allait bien, on a re-sauté, et on est rentré de nouveau. Ce jour-là, on est rentré quatre ou cinq fois chacun dans l’avion.
Wingsuit : Vincent Reffet et Frédéric Fugen des Soul Flyers avant de rentrer dans un avion en vol.

Le meilleur duo depuis Henry-Trezeguet

© Max Haim

Cette répétition, ça vous permettait d’être plus tranquilles ?
D’être plus tranquilles, de voir nos points de visées. De savoir qu’on était calés. L’important, c’était qu’on soit parfaitement calés pour que le jour où on saute de la montagne en Suisse, on n’ait pas besoin de se poser de questions. Qu’on sache où sont nos points de repères et qu’on ait juste besoin de répéter ce qu’on a fait à l’entraînement.
Comment vous communiquez avec les pilotes ?
On a utilisé le système qu’on utilise pour Jetman. Ça nous permet de pouvoir communiquer avec un Push-to-Talk avec les pilotes, qu’ils puissent nous répondre aussi. On avait déjà fait une centaine de vols avec Phillipe Bouvier, le pilote de l'avion. C’était vraiment un travail à trois. On fait de la formation à trois, donc si on peut se parler, ça facilite le truc et ça permet de synchroniser le tout.
Les parachutistes Fred et Vince des Soul Flyers volent en wingsuit au-dessus d'une aile d'avion.

Vol au-dessus d'une aile d'avion

© Max Haim

Vous communiquez beaucoup entre vous aussi...
On a besoin de se parler pour savoir s’il faut caler des vitesses, des angles, la distance… Ça évite de chercher le mec en vol en tournant la tête à chaque fois.
Concrètement, ça fait quoi de rentrer dans un avion à une telle vitesse ?
C’est cool. Ça fait bizarre. Nous on a l’habitude d’en sauter, mais pas d’y rentrer. Ce n’est pas logique en tant que parachutiste. T’es en pleine chute, et la seconde suivante, tu n'as plus d’air, tu n'as plus rien. Mais tu continues d’avancer avec l’avion. C’est vraiment bizarre comme sensation. Quand t’es dans l’avion et que tu vois ton pote en train de s’approcher et qui va rentrer, c'est incroyable. C’était très impressionnant et c’était plein d’émotions pour nous, parce qu’on a travaillé dur. C’était l’aboutissement de ces mois de préparation. Ce projet là avait été fait il y a 20 ans par Patrick de Gayardon, et ça fait longtemps qu’on souhaitait faire pareil.
20 ans après Patrick de Gayardon, les Soul Flyers rentrent en wingsuit dans un avion en plein vol.

Fred Fugen & Vince Reffet en action en Suisse

© Max Haim

Vous bouclez la boucle. Vous sautez de l’avion et vous arrivez maintenant à y rentrer aussi…
Le mieux c’était de pouvoir sauter de la falaise, parce que là c’était complètement fou. C’est se retrouver à 4000 mètres, sauter de la falaise et ne pas ouvrir ton parachute. On est parti d’un point A, et on est arrivé au point B avec un avion en se posant 25 kilomètres plus loin. C’était quand même assez cool. Bon, c’est un résumé, il s’est passé plein de choses entre-temps. Les entraînements ratés, les réussites en Espagne, puis la Suisse avec des mauvaises conditions météo lors des premiers essais... On a pensé à la porte du Pilatus et à nos placements pendant deux mois. Au moins une fois par jour, même quand on ne sautait pas. C'était assez prenant.
Les Soul Flyers se sont élancés d'une montagne en wingsuit avant d'entrer dans un avion en plein vol.

Hommage à Calogero ?

© Max Haim

Vous vous êtes consacré à ce projet pendant longtemps.
Ça a pris 4 mois en tout. Au mois de juin, on a commencé à voler proche de l’avion. Le 13 octobre on est rentré dedans. 4 mois à ne faire que ça.
J'imagine qu'il y a une certaine satisfaction quand on voit le projet terminé et accompli.
Oui, c’était un gros travail. C’était le projet le plus intense de notre vie. C’était dur, il y avait de la technique, de la concentration, du boulot à faire sur le matériel. On a sécurisé l'avion pour éviter de se blesser si jamais on tapait dedans. On a aussi bossé sur le parachute, pour ne pas qu’il s’ouvre de manière intempestive si jamais on se cognait contre les bords de l’avion. Le plus gros risque dans tout ça, c’était quand on sautait des falaises, avec des parachutes de B.A.S.E Jump qui ont juste un parachute. C’est pour ça qu’on voulait s’entraîner un maximum sur les rentrées en sautant avec nos parachutes d’avion. C’était pour éviter d’arriver trop fort et s’assommer en rentrant. Au total, on a fait 20 rentrées dans le Pilatus. D’abord on sautait de l’avion au-dessus d’un centre de parachutisme pour être sûr que ça allait rentrer, qu’il n’y ait pas de surprises. Que ce soit naturel.
Vince Reffet et Fred Fugen des Soul Flyers volent en wingsuit avant d'entrer dans un avion en vol.

Avant l'entrée dans l'avion

© Max Haim

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Fred Fugen

Frédéric Fugen est un pionnier du parachutisme moderne, et domine le monde aérien depuis plus d’une dizaine d’année.

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