Faker cover story
© Ines Segond-Chemaï
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Faker : la légende des légendes

Univers peuplé de personnages magiques, LoL est le plus grand jeu d'esport au monde. Mais son personnage le plus extraordinaire n’est pas virtuel, c’est un être de chair et d’os nommé Faker.
Écrit par Tom Guise
Temps de lecture estimé : 20 minutesPublished on

2013. LoL n’en est encore qu’à ses balbutiements.

Sorti en 2009, le jeu organise ses premiers tournois depuis 2011. La compétition grandit vite et a déjà produit quelques joueurs célèbres. Mais il manque encore au jeu un véritable héros. Jusqu’à la retransmission télévisée du 6 avril 2013 et un match dans la capitale sud-coréenne, Séoul, qui va tout changer.
Équipe locale populaire, CJ Blaze fait figure de grande favorite à la victoire du tournoi du Champions Spring. Leur joueur vedette est un jeune homme de 20 ans, Kang « Ambition » Chan-yong. Dans League of Legends (LoL pour les fans), deux équipes de cinq joueurs s’affrontent pour contrôler un champ de bataille magique divisé en trois voies : celle du haut, celle du bas et celle du milieu. Le joueur qui navigue sur la voie médiane doit être l’un des plus forts de l’équipe, et Ambition est considéré comme le plus grand joueur de voie du milieu de toute la Corée du Sud.
Face à CJ Blaze, une nouvelle équipe, la SK Telecom T1 #2. Leur joueur de voie du milieu ? Une mystérieuse recrue qui fait ses débuts sur le circuit professionnel. Depuis des mois, il domine les classements en ligne sous le pseudonyme de GoJeonPa. Tous les forums s’interrogent sur la véritable identité de GoJeonPa, si bien que lorsqu’un ado de 16 ans du nom de Lee Sang-hyeok monte enfin sur scène pour jouer sous son nouveau pseudo, Faker, l’excitation est palpable. Mais cette soirée allait réserver des surprises encore plus folles.
« Dieu » : le Coréen Lee Sang-hyeok, 28 ans, ou ­ Faker, est considéré comme le meilleur joueur esport de l’Histoire sur le célèbre jeu League of Legends.

"Dieu" : Faker, est considéré comme le meilleur joueur de l’Histoire de LoL

© Lee Aiksoon/Riot Games

L’événement qui se produit à la sixième minute de jeu est entré dans les annales de LoL. Ambition observe un court temps d’arrêt pour faire évoluer son personnage, un assassin nommé Kha’Zix. « Quand on fait cette évolution, il y a un bref moment de pause où l’on ne peut rien faire, se souvient Eric “DoA” Lonnquist, l’un des commentateurs ce soir-là. C’est un laps de temps tellement court que personne ne l’exploite. Mais Faker s’est jeté sur l’opportunité. On n’avait encore jamais vu ça. »
Faker, le GOAT au centre, en 2015 lors de la finale des Worlds

Le GOAT au centre, en 2015 lors de la finale des Worlds

© Colin Young-Wolff/Riot Games

En une fraction de seconde, Faker fait évoluer sa propre championne, une traqueuse nommée Nidalee, au niveau couguar, et élimine Ambition comme si de rien n’était. « Si cela avait été un joueur de voie médiane lambda, on n’aurait pas été aussi surpris, explique Jeon Yong-jun, mieux connu sous le nom de Caster Jun, l’un des commentateurs d’esport les plus connus de Corée du Sud. Mais c’était Ambition, là ! » Faker élimine ensuite deux des quatre adversaires restants en moins de 30 secondes. SKT T1 termine la soirée en écrasant CJ Blaze 2 à 0.
« Je me souviens que j’étais furieux, car c’était complètement improbable, se rappelle Ambition. Tout le monde oubliera les 3 000e, 4 000e ou 5 000e kills de Faker, mais personne n’oubliera son premier. Merci de m’avoir tué en premier, Faker. »
Moins de six mois plus tard, SKT T1 remporte le plus grand de tous les tournois, le League of Legends World Championship, plus connu sous le nom de Worlds. Dans le Staples Center de Los Angeles, sous le regard de millions de spectateurs et spectatrices en ligne, Faker soulève le plus grand trophée de toutes les compétitions de gaming, la Coupe de l’Invocateur.
Young Faker : le GOAT au centre, en 2015 lors de la finale des Worlds. Son visage dans la Mercedes-Benz Arena accueillant l’event. Ce kid devint une icône mondiale.

Le visage de Young Faker dans la Mercedes-Benz Arena accueillant l’event

© Wojciech Wandzel/Riot Games

« On ne le savait pas encore, mais en 2013, on a été témoin de la naissance d’une légende, celle de Faker », explique Eefje « Sjokz » Depoortere, présentatrice des Worlds 2013, dans un documentaire sorti cette année pour célébrer l’entrée de Faker dans le Hall of Legends (l’équivalent du Rock and Roll Hall of Fame pour LoL). Nombre de personnes intronisées dans le Hall of Legends jusqu’à présent ? Une seule. C’est ainsi que Faker est devenu LE protagoniste principal de LoL.
Difficile d’expliquer toute l’influence de Faker en général, non parce que ce n’est pas quelque chose de tangible, mais parce que l’étendue de ses victoires est tellement immense.
Après les Worlds 2013, ses collègues et lui remportent à nouveau la victoire en 2015 et 2016, et deviennent la seule équipe à avoir jamais remporté trois titres. Il compte dix titres LCK (League of Legends Champions Korea) à son actif, deux Mid-Season Invitationals (le plus grand tournoi de mi-saison), une médaille d’or aux Jeux asiatiques de 2022 et la Coupe du monde d’esport en 2024. Il est le premier à atteindre 1 000, 2 000 puis 3 000 éliminations en LCK et détient le record du plus grand nombre d’éliminations dans les matches de championnats du monde. En 2017, Faker est élu Meilleur Athlète esport ; en 2019, il figure sur la liste Forbes 30 Under 30. Mais ce sont les titres que lui ont attribués ses rivaux, ses fans et les médias qui marquent le plus : « le Michael Jordan de l’esport », « l’Invincible Roi Démon », ou encore « Dieu ». « Il est simplement le boss ultime de League of Legends », déclare le Danois Rasmus « Caps » Winther, considéré comme le meilleur joueur occidental de LoL de tous les temps.
Faker est le boss ultime de League of Legends.
En 2020, le journaliste sportif d’ESPN, Tyler Erzberger, tweete une image de quatre figures célèbres : le réalisateur oscarisé Bong Joon-Ho, le footballeur Son Heung-min, le groupe de K-pop BTS, et Faker, légendée ainsi : « Le top 4 de Corée du Sud ». « J’ai été cité au milieu de superstars internationales, fera remarquer Faker interviewé à ce sujet. C’est sympa d’être mentionné avec eux. Je dois être un peu célèbre à l’étranger, moi aussi. »
Ce qui rend Faker si spécial, c’est sa capacité unique à lire le jeu et à agir en conséquence. En esport, on utilise un terme, meta, pour « most effective tactics available », autrement dit « tactiques disponibles les plus efficaces ». Dans LoL, les meilleurs joueurs maîtrisent ces stratégies optimales ; mais être le premier à les découvrir suppose un talent très rare. « Dans sa carrière, Faker a réalisé plusieurs actions que vous ne pourrez probablement jamais imiter même en vous entraînant jour et nuit et je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il les réalisait pour la première fois », explique Andrew « Vedius » Day, commentateur pour Riot Games, entreprise développeuse et éditrice du jeu LoL.
« C’est un précurseur, affirme David “Phreak” Turley, concepteur principal du jeu. Quand on voit ce dont Faker est capable avec les outils que l’on met à disposition, on se dit : “Sérieux ? Ce mec peut vraiment faire ça ?” » LoL propose plus de 160 personnages appelés « champions ». Magiciens, assassins, combattants à longue, courte et moyenne portée. Certains infligent beaucoup de dégâts, d’autres sont capables d’encaisser un max. Chacun dispose de son propre arsenal de capacités, style de jeu, forces et faiblesses, et cela se complique encore selon les différents adversaires affrontés. « Faker a joué 83 champions, soit plus que n’importe qui dans la voie du milieu au cours des compétitions professionnelles, explique Turley. Ce mec peut pratiquement tout jouer et il a souvent été le premier à le faire. »
Portrait du meilleur joueur esport de League of Legends, Faker, devant Madison Sqaure Garden à New York.

Faker à NYC, demi-finales des Worlds 2016

© Colin Young-Wolff/Riot Games

Pour comprendre son don pour League of Legends, il faut revenir à ses origines. Né en 1996, Lee Sang-hyeok grandit dans le district de Gangseo à Séoul. Après le divorce de ses parents, il est élevé par son père, Lee Kyung-joon, et ses grands-parents. Son père le décrit comme un kid un peu solitaire et très vif : il apprend tout seul des langues étrangères ou comment résoudre un Rubik’s Cube, et aime bien les jeux vidéo. « J’ai commencé comme tous les gosses, avec la Playstation et d’autres consoles. Mais quand j’étais jeune, je me fichais pas mal de la compétition », se souvient-il dans un article rédigé par ses soins en 2016 pour The Player’s Tribune. Pourtant, en 2004, alors qu’il a huit ans, son père lui achète un PC et il devient fan de Starcraft, le jeu d’esport le plus populaire de Corée à l’époque. Puis, en 2011, il découvre LoL. « C’est là que je me suis lancé dans la compétition professionnelle. »
À l’école, Lee acquiert son premier surnom de joueur : « Le poing enflammé du Lycée Mapo ». Mais en ligne, il en a déjà un autre : GoJeonPa. Il joue à un style de jeu appelé SoloQ, où chaque joueur et joueuse est associé·e à d’autres de manière aléatoire, ce qui le force à s’adapter et à maîtriser plus de champions dans différentes configurations d’équipe. « Mon niveau a continué d’augmenter, on a fini par me faire jouer contre les meilleurs joueurs de Corée, dit-il. J’étais encore amateur, mais j’ai gagné la première place dans le classement des serveurs. »
Son père le décrit comme un kid un peu solitaire et très vif.
Fin 2016, Faker devient numéro un mondial. Deux ans plus tôt, une équipe chinoise a tenté de le recruter en lui proposant un alléchant contrat d’un million de dollars, mais il a refusé. « Je veux rester en Corée et remporter un second championnat du monde », a-t-il expliqué à ESPN. Chaque année, les offres ont augmenté (10 millions en 2020 pour jouer aux États-Unis, 20 millions de la part de la Chine en 2022). Il a systématiquement répondu par la négative. Et pourtant, il ne fait plus les gros titres à ce moment-là.
En 2013, lorsque Faker est invité à rejoindre mille. « Je leur ai juste dit que ça allait bien se passer, écrit-il en 2016. Ils ne me soutiennent pas vraiment activement, mais je comprends leur inquiétude : l’esport est un milieu très volatile. »
Une inquiétude qui semblait justifiée lors de la finale des Worlds 2017. SKT T1 affrontait Samsung Galaxy, l’équipe qu’ils avaient battue en 2016, et Ambition (premier grand kill de Faker) en était le capitaine. En trois victoires consécutives, Ambition a orchestré sa revanche. C’était la première défaite de Faker en finale d’un championnat du monde, et pour la première fois, les fans ont vu l’Invincible Roi Démon vaciller. « J’étais juste à côté de lui, se souvient son coéquipier Bae “Bang” Jun-sik après la défaite. Il ne se contentait pas de sangloter, il pleurait à chaudes larmes, de tout son corps. C’était terrible de voir un coéquipier exprimer autant de tristesse. »
T1 et Faker à l’attaque lors des finale des Worlds de League of Legends 2023, en Corée du Sud.

T1 à l’attaque (finale des Worlds 2023, Corée du Sud)

© Colin Young-Wolff/Riot Games

« J’ai pleuré aussi, avoue son père. Quel parent pourrait retenir ses larmes quand son enfant souffre ainsi ? » Ce fut le début d’une période difficile pour ce joueur jusque-là réputé imbattable. Après une mauvaise performance lors des play-offs du printemps 2018, Faker s’est retrouvé sur la touche pendant la saison estivale. L’équipe est devenue un véritable défilé de joueurs, les anciens partaient, les nouveaux arrivaient. Cette année-là, SKT T1 a échoué lors des finales régionales de la LCK et n’a même pas réussi à se qualifier pour les Worlds. Durant les deux étés suivants, Faker s’est de nouveau retrouvé remplacé par de jeunes joueurs. Les fans ont exprimé leur mécontentement, mais la rumeur enflait. « On disait que l’ère de Faker touchait à sa fin, se souvient le commentateur Jun. Ce n’était pas qu’une mauvaise passe, il était devenu trop vieux. » En 2020, l’équipe, renommée simplement T1, échoue de nouveau à se qualifier pour les Worlds. Faker a alors 24 ans.
La carrière d’un joueur pro de LoL est étonnamment courte, l’âge moyen de la retraite tourne autour de 23 ans. Il y a de multiples raisons à cela. Certains ne peuvent tout simplement plus suivre le rythme. Riot Games met régulièrement à jour le code du jeu, ajoute de nouveaux personnages, modifie les caractéristiques de ceux déjà existants, ce qui force les joueurs à réapprendre constamment la meta. Et le burnout est une réalité : alors que les athlètes traditionnels s’entraînent jusqu’à huit heures par jour, une analyse de 2019 montre que Faker, par exemple, s’entraîne pendant treize heures, entre scrims (matches d’entraînement), SoloQ et pratique perso. Le reste de la journée, il mange, dort et s’accorde une heure de temps libre. « Même en mangeant, il parlait du jeu, rapporte son ancien coéquipier Lee “Wolf” Jae-wan. En vacances, il jouait au lieu de sortir. »
Et puis, il y a la charge physique. On peut penser que l’esport n’a pas le degré d’intensité du foot, du tennis ou de la F1 (sports où pas mal d’athlètes ont déjà largement atteint la trentaine), mais les séquelles sont parfois graduelles, imperceptibles, ou, pire encore, chroniques. Les mains et les poignets des joueurs de LoL sont soumis à d’énormes quantités de micromouvements. Au cours d’une partie, un joueur ordinaire peut effectuer 100 actions par minute (APM) ; Faker atteint parfois 500 APM en utilisant la souris et les raccourcis clavier non seulement pour déplacer son personnage mais aussi la caméra du jeu, surveiller ses coéquipiers et analyser tout ce qui pourrait lui donner le moindre avantage. Beaucoup de joueurs prennent leur retraite à cause de blessures devenues permanentes (tendons enflés, compression des nerfs, douleurs au cou et au bas du dos). Un joueur pro de LoL de plus de 30 ans encore actif, ça n’existe pas.
Le nom du joueur esport Faker comme celui de Batman dans la nuit affiché lors du Mid-Season Invitational 2022, en Corée du Sud.

Le nom de Faker comme celui de Batman dans la nuit

© Jianhua Chen/Riot Games

Au début de la saison 2021, Faker décide de se mettre au vert pendant trois semaines. Pas parce qu’il en a marre, mais parce qu’il a besoin de faire une pause et souhaite changer quelque chose en lui. « J’avais un ego démesuré, se souvient-il rétrospectivement. J’agissais uniquement en fonction de mon expérience personnelle. Maintenant, je suis devenu plus objectif, plus flexible. J’ai gagné en maturité. » Cette année-là, T1 s’incline encore aux Worlds. Faker est présent, mais les larmes de 2017 ont séché.
Une image emblématique de la finale des Worlds 2022 circule un peu partout, si marquante qu’elle a remporté le prix de la photo d’esport de l’année. Après la défaite, debout sur la scène du Chase Center de San Francisco, Faker regarde son coéquipier Ryu « Keria » Min-seok, toujours assis devant son écran. La tête entre les mains, celui-ci semble inconsolable.
2022 devait être l’année de T1, l’année de Faker, son dixième anniversaire dans l’esport professionnel. Au début de la saison, il était devenu le premier joueur de LCK à atteindre 2 500 kills, le deuxième de l’histoire de LoL à dépasser les mille matches professionnels. Une équipe régulière s’était enfin soudée autour de lui : Choi « Zeus » Woo-je, Mun « Oner » Hyeon-jun, Lee « Gumayusi » Min-hyeong et Keria. Les fans leur avaient même trouvé un nom, ZOFGK, les initiales de leurs pseudonymes dans l’ordre où ils jouent sur la carte avec Faker au centre. Au printemps, ZOFGK a terminé la saison invaincue sur un score de 18-0. Avant la finale des Worlds, 76 % des fans prédisaient la victoire de T1. Leurs adversaires ? DRX, une équipe coréenne d’outsiders dirigée par un ancien camarade de classe de Faker, Kim « Deft » Hyuk-kyu. « Péché d’arrogance », se souvient Oner. Ce sera une leçon d’humilité.
Vue générale de l’ambiance lors des finales du Championnat du monde de League of ­ Legends le 5 novembre 2022 à San Francisco, en Californie.

En 2022, les T1 furent crucifiés en ces lieux

© Colin Young-Wolff/Riot Games

Lorsque le mot « Défaite » est apparu sur l’écran de la cabine de T1, Faker s’est adossé à son siège. Devant plus de 14 000 personnes et des millions de téléspectateur·rice·s, les écrans géants affichent un visage angoissé qui fait bientôt place à la sérénité. « Pas de bol, les gars, mais on a bien joué », dit-il au micro pour galvaniser son équipe avant de les observer tour à tour. À 26 ans, il est le plus âgé. Zeus et Oner sont encore des ados, Gumayusi et Keria viennent d’avoir 20 ans. Alors que ce dernier ne cesse de sangloter, les larmes montent aux yeux de Faker. Le cliché immortalisera ce moment. « Je voulais m’assurer qu’ils allaient bien, se souvient-il. Mes coéquipiers rêvaient de faire la finale des Worlds. Ils étaient dévastés. Moi, j’étais déjà passé par là plusieurs fois. » Sa dernière victoire remonte désormais à six ans.
« Notre équipe est vraiment bonne », dit-il sobrement.
« J’ai essayé de me projeter sur l’année à venir et de faire en sorte que mon équipe se sente bien. » Mais sept mois plus tard, Faker commence à ressentir une douleur préoccupante. « Au début de l’été, mon bras était engourdi et j’avais des picotements. Au début, cette perte de sensation dans les doigts ne durait que quelques minutes, mais bientôt c’était toute la journée. » « J’ai pensé : ça y est, le pire a fini par arriver », enchaîne son père.
Faker passe un IRM de la main. « Il n’y avait pas de diagnostic précis ni de véritable traitement », se souvient-il. Commence une longue convalescence, personne ne sait quand ou s’il va revenir.
Notre Faker, pétrifié, assumera-t-il le poids de cette défaite collective ?

Une exécution : les T1 terrassés par DRX lors des Worlds 2022

© Colin Young-Wolff/Riot Games

T1 se trouve déjà en pleine tourmente : après une sensationnelle série de 17 victoires au Spring Split, ils se sont inclinés en finale, ce qui marque leur quatrième défaite consécutive en tournoi. Le doute s’est installé. « On s’est dit qu’on était peut-être pas compatibles », admet Faker. Puis c’est l’élimination au Mid-Season Invitational. « Après, tout s’est écroulé, dit Keria. On a perdu confiance. On ne communiquait plus. »
Faker, absent, est remplacé par un petit nouveau de 17 ans, Yun « Poby » Sung-won. « Ce n’était pas un siège ordinaire, c’était un Saint Graal empoisonné, dit le commentateur Jun. Le médian de T1, la position de Faker. » Broyé par ces attentes impossibles, Poby s’en sort mal. T1 dégringole à la cinquième place du classement d’été ; une chute sous la sixième place et c’en est fini des espoirs de qualification pour les Worlds. L’ambiance au sein de l’équipe devient si délétère que Gumayusi reconnaît avoir consulté un thérapeute.
Trente et un jours après s’être éclipsé, Faker fait son retour pour le plus grand bonheur de ses fans. Le retour de la pièce manquante pour la qualification de ZOFGK aux Worlds. Faker en profite pour exprimer sa gratitude envers Poby. « Il s’est retrouvé dans une position délicate, confie-t-il. Je le remercie d’avoir tout donné. »
Les T1 partagent avec les Beatles leurs coiffures et une commu de fans planétaire, mais leur truc, c’est l’esport.

Les T1 partagent avec les Beatles une commu de fans planétaire

© Colin Young-Wolff/Riot Games

Depuis la première édition en 2011, jamais les championnats n’ont bénéficié d’une telle aura de mythologie que les Worlds 2023. Ils se déroulent en Corée du Sud, berceau des plus grands joueurs de LoL. La Corée a soulevé à sept reprises la Coupe de l’Invocateur ; seconde meilleure équipe, la Chine ne compte que trois victoires. Mais chaque fois que le tournoi s’est tenu en Corée du Sud, en 2014 et 2018, Faker n’a pas réussi à se qualifier. Pour le public local, le voilà face à son destin. En demi-finales, T1 est la dernière équipe coréenne dans un tableau dominé par les adversaires chinois. « L’an dernier, on a appris notre leçon et compris que c’était essentiel de jouer avec les ZOFGK au complet », explique Oner.
Le destin est parfois cruel. Il peut finir en tragédie, les glorieux héros se faisant terrasser dans le dernier acte. Mais pas cette fois. Le 19 novembre 2023, au Gocheok Sky Dome de Séoul, sous le regard de plus de 6,4 millions de viewers (plus grande audience jamais enregistrée pour un événement d’esport), ZOFGK s’impose en finale, et, dix ans après sa première victoire, Faker devient le seul joueur à soulever la Coupe de l’Invocateur pour la quatrième fois. Au moment de son triomphe, il ne prononce que cinq mots : « Notre équipe est vraiment bonne. »
Quatre semaines plus tard, T1 rejoue. Pour utiliser une expression devenue trop rare en compétition, l’ambiance est… ludique lors de ce tournoi d’exhibition Red Bull League of Its Own organisé au Velodrom de Berlin (Allemagne) en l’honneur des champions du monde. Certaines des meilleures équipes professionnelles d’Europe sont venues lui rendre hommage, et peut-être, oui, peut-être, la battre (une équipe réussira). Cela aurait pu être une conclusion digne d’un conte de fées pour ZOFGK, mais les cinq compères ont une autre idée en tête.
19 novembre 2023, au Gocheok Sky Dome de Séoul, lors de la finale des ­ Worlds, Faker et les T1 brandissent la Coupe de l’Invocateur, celle qui vous installe à vie parmi les dieux de LoL.

Faker célèbre sa rédemption devant 6,4 millions de viewers

© Colin Young-Wolff/Riot Games

Au cours d’une conférence de presse, il a répondu à une question que beaucoup se posaient. « Je n’ai aucunement l’intention de prendre ma retraite. Je vais continuer à jouer pour T1, dira-t-il calmement. J’ai appris et grandi tout au long de ma carrière. C’est une opportunité rare pour un être humain. »
Et quel rare être humain que Lee Sang-hyeok ! C’est une licorne, un joueur dont l’étoile a brillé plus intensément que nul autre. Et aujourd’hui, à 28 ans, cette étoile semble encore bien loin de s’éteindre. « Je n’ai jamais pensé que la carrière d’un joueur pro devait être si courte, a-t-il déclaré en 2022. Certains prennent leur retraite, d’autres continuent. Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence entre un joueur au début de la vingtaine et un autre au début de la trentaine. » Mais il a toujours considéré les deux mondes qu’il habite différemment des autres.
Je ne peux pas imaginer un jour où les gens parleront de League of Legends sans mentionner Faker, déclare le joueur professionnel vietnamien Đo “Levi” Duy Khánh. Et personne n’a envie de voir ce jour arriver. » Mais en 2017, Faker a donné un aperçu de ce que pourrait être sa vie post LoL. « Je travaillerai sûrement dans l’esport. Et sinon, j’espère travailler dans un domaine où faire évoluer la science et les gens. Travailler avec le cerveau humain.
Pour l’instant, il se contente de jouer avec nos émotions. Au moment d’écrire ces lignes, ZOFGK continue d’écrire un autre chapitre légendaire dans l’Histoire de LoL : Dernière équipe qualifiée, elle s’accroche encore aux Worlds 2024. Mais peu importe le résultat, dans cette saga, Faker a déjà trouvé sa place : celle du plus grand joueur de LoL de tous les temps.
Rétrospectivement, c’est comme si League of Legends et Faker s’étaient nourris l’un de l’autre, commente Sjokz. Il y avait une place vacante et lui, qui est sorti du rang en déclarant : “Je deviendrai cette icône pour vous.”

Fakermation

L’hymne officiel des Worlds change chaque année: voici les quatre clips vidéo dans lesquels Faker est représenté.
Ignite, feat. Zedd (2016)
Faker mange un brocoli cru en clin d’œil aux Worlds de League of Legends 2015 dans le clip de Ignite, feat Zedd.

Ignite, feat. Zedd (2016)

© Riot Games

En train de manger un brocoli cru en clin d’œil aux Worlds 2015, où un fan lui avait dit que sa coupe de cheveux ressemblait à ce légume. Il avait promis d’en manger un morceau s’il gagnait. Chose promise, chose faite.
Rise, feat. The Glitch Mob, Mako, and The Word Alive (2018)
La montée en puissance d’Ambition, l’ennemi juré de Faker, jusqu’à son triomphe en 2017. Qui l’attend lors du duel final ? L’Invincible Roi Démon, bien sûr.

Rise, feat. The Glitch Mob, Mako, and The Word Alive (2018)

© Riot Games

La montée en puissance d’Ambition, l’ennemi juré de Faker, jusqu’à son triomphe en 2017. Qui l’attend lors du duel final ? L’Invincible Roi Démon, bien sûr.
Gods, feat. NewJeans (2023)
Une mélodie de k-Pop ­ contagieuse pour ce duel au sommet entre deux anciens camarades de classe, Deft et Faker, en 2022.

Gods, feat. NewJeans (2023)

© Riot Games

Une mélodie de k-Pop ­ contagieuse pour ce duel au sommet entre deux anciens camarades de classe, Deft et Faker, en 2022. C’est Faker qui perdra cette fois-ci, comme en cours d’histoire.
Heavy Is The Crown, feat. Linkin Park (2024)
Faker dans le clip Heavy Is The Crown, feat. Linkin Park sorti en 2024.

Heavy Is The Crown, feat. Linkin Park (2024)

© Riot Games

Vainqueurs en 2023, les membres de ZOFGK représentent la menace finale dans cette bataille épique au sein du mythique Royaume de Runeterra de LoL."

Regardez le documentaire T1 Rose Together sur l’incroyable année 2023 de l’équipe ci-dessous :

1 h 21 min

T1 Rose Together

Découvrez le parcours de l'équipe coréenne d'esport, de sa défaite en finale à sa victoire éclatante aux Worlds de League of Legends.

Français +12

Le prochain Red Bull League of Its Own aura lieu à l’Accor Arena (Paris) le 15 décembre.

Fait partie de cet article

Red Bull League of Its Own

Red Bull League of Its Own arrive le 15 décembre 2024 à l'Accor Arena de Paris ! Venez voir s'affronter les meilleures équipes du monde lors de showmatchs unique !

France

T1 Rose Together

Découvrez le parcours de l'équipe coréenne d'esport, de sa défaite en finale à sa victoire éclatante aux Worlds de League of Legends.

1 h 21 min