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Loupiote : l'éclaireuse
À seulement 22 ans, Loupiote, alias Lou Henguelle, est devenue la voix française des commentaires de Valorant, tout en étant streameuse et joueuse pro. Un parcours marqué par la détermination.
Quarante minutes top chrono : le jour de notre rencontre, Loupiote doit jongler entre plusieurs emplois du temps. De passage à Paris pour un événement organisé par une marque qui la sponsorise, Lou Henguelle, de son vrai nom, prend le temps de se poser avec The Red Bulletin pour retracer son parcours. Juste après, elle devra pourtant foncer vers la Gare du Nord, direction Lille où elle vit, pour suivre ses études de Sciences politiques. Tout cela en menant en parallèle sa carrière de joueuse esport professionnelle, de streameuse sur sa chaîne Twitch, mais aussi de commentatrice officielle pour le jeu vidéo Valorant. Oui : le quotidien de Loupiote est particulièrement bien rempli. « Je fais aussi du piano et du handball. Mais je sèche pas mal les entraînements en ce moment avec tout ce que j’ai à faire », explique-t-elle en riant. Avant d’ajouter : « C’est vrai que j’ai tendance à souvent dire que j’ai plusieurs mondes. Le monde de l’esport, le monde du stream, et le monde des études. »
Passion Valorant
Depuis quatre ans, Loupiote alterne les activités et les casquettes, au rythme d’un emploi du temps chargé. Une triple vie qui ne lui fait pourtant pas peur, notamment parce qu’elle est animée d’une chose : la passion. Celle-là même qui la fait tomber dans le jeu vidéo à la fin de l’adolescence, alors que ses parents ne la laissent pas vraiment trop jouer à la console jusqu’à sa majorité. « Je m’étais acheté une Xbox sur Le Bon Coin à 16 ans, mais je me la suis faite confisquer par mes parents parce que je criais et je rageais trop. Et aussi parce que, dans leur tête, une jeune fille ne devait pas trop jouer aux jeux vidéo, s’amuse-t-elle avec du recul. Donc je regardais plutôt mes amis jouer à Fortnite, en attendant de pouvoir le faire moi-même plus tard. » Son bac en poche, elle monte alors s’installer à Lille pour suivre des études en sciences politiques début 2020. Et elle peut, enfin, s’acheter un PC. « C’était en plus la période du Covid, donc tous les cours étaient diffusés via Zoom. J’avais un écran avec mon cours, et je jouais sur le deuxième. » Elle rigole : « Mes excuses à tous mes profs. » À la même période, Loupiote fait deux découvertes importantes : le jeu vidéo de tir compétitif Valorant au printemps 2020 (« C’est vraiment ce jeu qui m’a rendu addict ») suivi de la plateforme de streaming vidéo Twitch quelques mois après. Sur les conseils d’un ami, elle commence alors à diffuser ses parties en ligne sur le jeu fin 2020 devant des dizaines de personnes, tout en organisant quelques mois plus tard un tournoi dédié sur sa chaîne Twitch, où elle s’essaiera à commenter elle-même les matches des joueurs et joueuses professionnel·le·s invité·e·s.
J’aimerais faire bouger les politiques publiques sur l’esport.
Un événement particulièrement important dans le parcours de Loupiote : à la suite de ce tournoi, la Nordiste est en effet contactée par les équipes françaises de Valorant en personne pour commenter les compétitions du jeu sur leur chaîne officielle. « J’étais à l’aise à l’oral et je me suis dit que ça pouvait être une super expérience. Il a fallu essuyer quelques plâtres au début parce que les mecs n’avaient pas l’habitude d’entendre une voix féminine commenter des matches d’esport, mais on a fait avancer les choses. » Peu de temps après, Valorant annonce aussi la création de Game Changers, une ligue dédiée aux femmes et aux communautés marginalisées, avec des tournois dédiés. Compétitrice dans l’âme, Loupiote va se lancer un défi et élever son niveau pour pouvoir prétendre à rejoindre une équipe professionnelle en tant que joueuse. « Je partais de loin, mais en voyant qu’il y avait cet espace plus inclusif où je pouvais avoir ma place, je me suis mise à m’entraîner à fond le soir après les cours avec une équipe. »
Faire bouger les choses
Un challenge d’autant plus grand pour une raison : son départ pour une année au Japon, dans le cadre d’un échange à l’étranger. Sans jamais sacrifier aucune de ses passions, la jeune femme va alors poursuivre ses études, apprendre le japonais en seulement quelques mois en suivant des cours tous les jours, et devenir joueuse pro au sein de la structure Grow Gaming. « J’ai joué avec les meilleures équipes féminines du Japon, c’était ma première expérience de joueuse pro, et je commentais aussi des matches à côté : tout s’imbriquait parfaitement. » À son retour en France en 2023, c’est la structure française Zerance qui la recrutera en tant que In Game Leader, soit capitaine de son équipe, en charge des choix stratégiques et de la coordination entre coéquipières lors des parties. Pas vraiment une surprise lorsqu’on voit tout son parcours : « Dans la vie de tous les jours, je n’ai pas peur de prendre des responsabilités. Même si je fais une erreur, je préfère la faire et l’assumer, du moment qu’on se bouge tous ensemble et que ça nous fait progresser.
Streameuse, commentatrice, compétitrice : Loupiote est aujourd’hui sur tous les fronts de l’esport. Et ses ambitions, liées à ses études, pourraient l’emmener encore plus loin. « D’ici trois ou quatre ans, je me verrais bien en cabinet de conseil ou assistante parlementaire, je sens que j’ai aussi envie d’apporter une contribution à la société. » Et pas dans n’importe quel domaine : « Je pense avoir développé une expertise par rapport aux jeux vidéo, et j’aimerais bien l’utiliser pour faire changer les choses au niveau européen ou français sur ce sujet. Notamment pour faire bouger les politiques publiques au niveau de l’esport. » De quoi encore plus remplir son agenda. Devant ou derrière l’écran.
X : ZER Loupiote @louhngle ; Twitch : @Loupiote3