Si vous voulez en savoir plus sur l'horrorcore, sous-genre du hip-hop, allez jeter un oeil à la discographie des maîtres du genre, Gravediggaz.
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Musique

Les grandes familles du hip hop

Gangsta. Trap. Cloud rap. Depuis la fin des années 70, le hip-hop a accouché d’innombrables sous-genres. On fait les présentations.
Écrit par Richard Stacey
Temps de lecture estimé : 13 minutesPublié le
S'il y a une chose que les fans de hip-hop aiment encore plus qu'écouter du hip-hop, c'est parler de hip-hop. Et particulièrement de ce qui le caractérise. Comme l’a dit un jour KRS One de Boogie Down Productions : "Le rap, c’est un truc que tu fais, alors que le hip-hop, c’est un truc que tu vis." Le hip-hop et ses sous-genres peuvent être définis par le parcours et le style de vie de l’artiste tout autant que par le son et les questions qu’il aborde.
Depuis sa naissance à la fin des années 70, le genre a produit des styles uniques en constante évolution...

Backpack

Les "backpackers" étaient ceux qui, à la fin des années 90, s’opposaient à un hip-hop plutôt mainstream au style lisse, poli et pas très provocateur. Le nom renvoie aux puristes à sac à dos de l'époque, qui transportaient livres de cours, bloc-notes remplis de punchlines, bombes de peinture et autres vinyles dans leurs besaces.
Rawkus Records était l’un des labels les plus populaires parmi les backpackers. Il est à l'origine d'albums classiques de Mos Def ou Company Flow mais a commis un péché capital en se faisant racheter par le géant Interscope. Néanmoins, presque tout ce que Company Flow a produit et ce qui est sorti sous Def Jux - le label de la star du groupe Run The Jewls, El-P - a été essentiel pour ce sous-genre. Sans parler des premiers travaux du producteur californien Madlib.
Classique du genre : Mos Def - Mathematics

Boom Bap

Le terme boom-bap fait référence au coup de grosse caisse ("boom") suivi du "bap" sec de la caisse claire, sur un tempo modéré et mixé avec tellement d’aigus qu'il résonne dans la tête pendant des plombes. On peut raisonnablement affirmer que chaque morceau de hip-hop des origines aurait pu être qualifié de boom-bap (surtout au début), même si le terme n’a été introduit qu’en 1984 avec l’outro de T La Rock sur "It’s Yours".
Le son décrit ici constitue le cœur du hip-hop - des premiers breakbeats aux innovations de Marley Mal en matière de sampling en passant par l’âge d'or du rap new-yorkais. Un ciel constellé d'étoiles comme DJ Premier, Large Professor ou Pete Rock.
Meilleur exemple à écouter : Gang Starr – Just To Get A Rep

Cloud Rap

"Cloud rap" est un terme devenu populaire en 2010 grâce à l’autoproclamé "BasedGod" Lil B, qui a tenté de décrire le son onirique de ce sous-genre : aérien, planant, nuageux... Il désigne depuis toute une vague d’artistes qui se concentrent sur des paysages sonores abstraits. Autant d'invitations à la contemplation qui ont peu de points communs avec le hip-hop "traditionnel". Ses représentants les plus célèbres sont A$AP Rocky, Clams Casino et Main Attrakionz. En France, on peut citer PNL parmi les maîtres du genre.
Meilleur exemple à écouter : Main Attraktionz – Chuch

Conscious Hip Hop

L’ensemble de ce genre comprend toutes les tracks de rap qui incorporent consciemment les standards de leur époque - de la vision de la pauvreté urbaine de Melle Mel, à "The Message" de Grandmaster Flash And The Furious Five, en passant par les réflexions de J Cole sur la dépendance dans "KOD". On parle le plus souvent de "conscious hip-hop" pour des artistes qui se concentrent sur des problèmes socio-politiques. Il suffit de penser à Akala, Dead Prez, Talib Kweli et Boots Riley de The Coup, tous activistes/artistes. Dans un sens plus étroit, le genre comprend aussi des rappeurs qui attirent l’attention sur la pensée politique raciale, comme Public Enemy, Paris et X-Clan au début des années 90. Depuis 2010, Kendrick Lamar s’inscrit lui aussi dans cette même lignée.
Meilleur exemple à écouter : Blackstar – Definition

Crunk

Pendant longtemps dans les années 90, le mot "crunk" n’était rien de plus qu’un dérivé de l’argot du sud signifiant juste être électrisé et excité. Il apparaît ça et là sur différents albums, comme sur "Player’s Ball", le premier album d'Outkast ou sur "Getting Crunk" de Tommy Wright III. En 1997, Lil’ Jon & The Eastside Boyz s’approprient le terme avec la sortie de "Get Crunk Who You Wit". À partir de là, le crunk se définit par l'usage de boîtes à rythme, de mid-tempo genre proto-trap et de grosses lignes de basses agrémentés de slogans hurlés et chantés comme "represent your shit, motherf**ker" et "bounce your ass to the beat while you touch your feet".
Meilleur exemple à écouter : Lil Jon & The East Side Boyz – Get Low

Drill

Le drill est né à Chicago en 2011 mais n'a explosé que l’année suivante avec l’hymne révolutionnaire de Chief Keef : "I Don't Like". Pour ceux qui ne sont pas des fans passionnés, il est difficile de faire la différence entre drill et trap - du moins musicalement. Celle-ci réside dans l’attitude et dans les paroles. Tandis que la trap a pour sujet principal le trafic de drogue, les textes de la drill abordent plutôt les guerres de gang et la "gun violence".
Meilleur exemple à écouter : Chief Keef – I Don’t Like ft. Lil Reese

Emo Rap

Bien que le hip-hop des débuts ait souvent été étiqueté comme macho ou agressif, il existe également un genre qui, depuis "I Need Love" de LL Cool J, a mis en évidence le côté sensible de cet art (bien que ce ne soit pas tout à fait de l'emo rap). En 2008, l’énorme succès de Kanye, "808s & Heartbreak", a eu un large impact culturel, suivi par vulnérabilité séductrice de Drake et l'hédonisme mélancolique de Future, qui ont eux aussi exprimé l’esprit sensible du rap. Ces dernières années, les artistes les plus célèbres comme Lil Peep, XXXTentacion, Juice WRLD et Lil Uzi Vert ont incorporé dans leurs œuvres des éléments musicaux et lyriques de l’emo rock.
Meilleur exemple à écouter : Lil Peep – Awful Things ft. Lil Tracy

Frat Rap

Le frat rap est le rap de l’insouciance, qui raconte la fête comme style de vie. Le fait que la plupart des pionniers s’en soient éloignés à la première occasion en dit long sur ce genre. Asher Roth, dont le titre "I Love College" a fait renaître le genre en 2009, n’a jamais rien produit de vraiment semblable depuis. Mac Miller a passé les premières années de sa carrière à définir le frat rap et le reste de son temps à le démolir. D’autres artistes comme Hoodie Allen et Sammy Adams n'ont pas encore tourné la page. En bref, le frat rap n’est pas considéré comme un plan à long terme, mais plutôt comme une brève(et bruyante) étape sur le chemin du développement artistique.
Meilleur exemple à écouter : Huey Mack - Call Me Maybe (Remix)

Gangsta Rap

La question de savoir si le gangsta rap est un vrai reflet du quotidien des rappeurs ou s’il s’agit simplement de l'apologie d’un mode de vie moralement répréhensible n’a aucune importance. Ce style est l’un des plus importants et sans doute le plus influent du hip-hop. En 1986, "PSK", le premier album hip-hop de Schoolly D faisait déjà explicitement référence à la vie de gang, mais ce n’est que deux ans plus tard, avec "F**k The Police" de NWA, que le mouvement gangsta rap a attiré l’attention du monde entier. Et le genre s'est impose dès la sortie de l’album solo "The Chronic" de Dr Dre en 1992. Il a même maintenu sa position dominante alors que le troisième album de Kanye West, "Graduation", s’est plus vendu que le "Curtis" de 50 Cent en 2007. Des artistes tels que Snoop Dogg, Tupac, Nas, Raekwon, Jay-Z, Scarface, The Notorious B.I.G. et des milliers d'autres rappeurs ont prouvé que la mentalité gangster est indispensable pour comprendre l’Amérique, et par extension, une grande partie du monde moderne.
Meilleur exemple à écouter : Dr Dre & Snoop Dogg – Deep Cover
Le rappeur britannique Dizzee Rascal est un pionnier du Grime, l'un des sous-genres du hip-hop.

Dizzee Rascal, pionnier du Grime, en plein show

© Steve Stills/Red Bull Content Pool

Grime

Le grime est un genre de musique électronique - souvent agressive et entraînée par un beat uptempo - née au 21ème siècle dans l’est de Londres. Dès ses débuts (et jusqu'à maintenant) la question de savoir si le grime pouvait être qualifié de musique hip-hop a fait débat. Beaucoup pensent qu’à cause de ses influences britanniques garage, le grime est un genre complètement à part.
À l’époque où le grime est apparu, le terme "hip-hop" recouvrait le rap mainstream ou le style backpacker mais personne ne voulait ne voulait y inclure le grime. Pourtant, certaines caractéristiques indiquent qu'il s'agit bel et bien d'une forme de hip-hop : on parle après tout d'une musique inspirée du rap américain, créée par de jeunes musiciens noirs et gorgée de poésie urbaine. Le grime reste pour l’heure une variante unique dans le développement du hip-hop moderne.
Meilleur exemple à écouter : Dizzee Rascal – I Luv U

Horrorcore

Ce sous-genre s'aventure sur les terrains les plus sombres du gangsta rap en donnant au sujet une tournure absurde ou surnaturelle. Bushwick Bill - membre de Geto Boys - le démontre de façon impressionnante avec son "Phantom Of The Rapra" grand-guignolesque, tout comme l’œuvre d’inspiration gothique des premières heures de Three 6 Mafia. Parfois, le tout dérive vers le ridicule : mention spéciale à The Insane Clown Posse. Mais certains artistes d’horrorcore ont marqué le genre, tout particulièrement Gravediggaz.
Meilleur exemple à écouter : Gravediggaz – Burn Baby Burn

Hyphy

Une musique électronique bouillonnante alliée à un humour surréaliste et une aptitude à faire la fête indéfiniment. Voilà comment pourrait se définir le hyphy, un genre né à la fin des années 90 en Californie.
Le nom - une abréviation de "hyperactive" - a été introduit par Keak Da Sneak en 1994, même si le genre musical s'est développé avec Thizzelle Washington et ses 10 albums entre 1997 et 2004. En 2006, le hyphy a fait une percée mondiale avec les succès de E-40, The Federation, Too $hort, Mistah F.A.B. et autres, jusqu’à ce que le genre disparaisse lentement. Son esprit reste toujours vivant aujourd’hui dans certaines productions de DJ Mustard et de la nouvelle génération de la Bay Area (comme Kamaiyah et SOB X RBE).
Meilleur exemple à écouter : Mac Dre – Feeling Myself

Jazz Rap

Depuis 30 ans, impossible de penser au Jazz rap sans penser au légendaire A Tribe Called Quest et notamment à Q-Tip évoquant son adolescence dans "Excursions". Le fait que les jazz rappeurs aient commencé à développer ce genre au moment même où leur son de prédilection passait de mode ne les a pas aidés. Néanmoins, Tribe et ses compagnons d’armes (De La Soul, Digable Planets et Guru de Gang Starr) ont clairement montré que les deux genres pouvaient s'entendre. Aujourd’hui, une nouvelle génération jazz émerge, pleine d’une énergie rafraîchissante, et mérite d'être suivi. Voire même écouté.
Meilleur exemple à écouter : A Tribe Called Quest – Excursions

Latin Trap

Dès ses débuts, le hip-hop s'est posé en phénomène mondial. Il a donc été impossible d’en discerner les frontières, qui ont volé en éclats aux quatre coins du monde. Le latin trap en est le meilleur exemple. Les artistes y rappent en espagnol et avec les succès crossover de Bad Bunny, qui combine d’innombrables éléments - du reggeaton jusqu’à la pop en passant par le trap US - le genre a englobé le rap français ainsi que le gangsta rap allemand et chinois. Bad Bunny a travaillé avec 21 Savage et Nicki Minaj et le genre s’est manifesté dans le mainstream nord-américain grâce à ses collaborations avec Cardi B et Drake.
Meilleur exemple à écouter : Bad Bunny – Caro

Old School

Dans le langage quotidien, "old school" fait généralement référence à quelque chose qui était célèbre durant, ou avant, l’enfance de l’auditeur. Dans le hip-hop, le terme décrit tout ce qui s’est passé durant les premiers années du genre, des mixes de DJ Kool Herc aux sons novateurs de Grandmaster Flash. Sugarhill Gang, Kurtis Blow, Treacherous Three et Afrika Bambaata se situent tous dans cette même lignée.
Meilleur exemple à écouter : Kurtis Blow – The Breaks

Rap Rock

Si on y regarde de plus près, le premier album de rap rock, c’est "Rapture" de Blondie, qui a pris les charts d'assaut (VOUS L'AVEZ ?) en 1980. Ce genre inclut des rappeurs comme Run DMC et Jay-Z, qui réinterprètent et retravaillent des samples de guitares heavy rock ou de groupes de rock comme Faith No More, Limp Bizkit et Linkin Park dans leurs œuvres. Les Beastie Boys et "Body Count" de Ice T ont mélangé avec succès hip-hop et rock, mais ce n'est qu’au cours de la dernière décennie que les hybrides les plus organiques ont émergé, de Death Grips à Show Me The Body en passant par le phénomène de la vague emo.
Meilleur exemple à écouter : Beastie Boys – No Sleep ’Til Brooklyn

Trap

Après de modestes débuts, la trap a gagné en popularité au cours des dix dernières années et domine maintenant le hip-hop et la pop. 2 Chainz, Migos, Selena Gomez, Ariana Grande sont tous des adeptes du trap sound.
Conceptuellement, les racines de la trap se trouvent dans l’Atlanta des années 80 et 90. En argot, le terme désigne une maison où l’on vend de la drogue et il est apparu pour la première fois en 1991 sur l’album "Keep On Rolling" de Kilo Mafia. Mais il a fallu attendre 2003 pour que le trap s’impose en tant que style indépendant. T.I. avec "Trap Muzik" et Gucci Mane avec "Trap House" ont posé les bases du déploiement musical de ce son : une synthèse de toutes les formes de southern rap qui existaient à l’époque. Mais l’ascension radicale de la trap moderne n’a commencé qu’avec le travail de Lex Luger sur "Flockaveli", le monumental premier album de Waka Flocka Flame en 2010.
Meilleur exemple à écouter : Waka Flocka Flame – Hard In The Paint

UK Drill

En conséquence de l’explosion radicale de la Chicago drill, un groupe d’artistes s’est formé en 2013 dans le sud de Londres autour de Stickz et Skribz (connu plus tard sous le nom de LD de 67), donnant son propre cachet à ce genre d'abord américain. La vague n’a cessé d’enfler dans les années qui ont suivi. Des artistes tels que 67, Skengdo & AM et Headie One ont su toucher un large public, alors que les médias généraient une panique générale en raison de leurs supposés liens avec le crime. La police a par la suite pris des mesures appropriées, tandis que certains artistes ont été censurés.
En plus du son de Chicago, la drill UK s’est inspirée des débuts du mouvement britannique de rap urbain, alors que ce genre est constamment poussé vers de nouveaux horizons. Il sera intéressant de voir ce qu'il nous réserve.
Meilleur exemple à écouter : 67 – Skengman