Musique
Le Red Bull Symphonic, c’est un mélange des genres unique qui met côte à côte musique contemporaine et classique. Pour la première fois dans l’Hexagone, le lundi 10 novembre, l’événement musical s’invitera sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées. Accompagné par l’orchestre Lamoureux, Tayc va entonner ses plus grands morceaux dans un mix entre Afro Love et musique classique. Et puisque l’on parle de mouvement dont se réclame l’artiste, on a décidé de se plonger dans les racines de celui-ci pour remonter jusqu’à la base, le rhythm and blues.
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Les racines du rhythm and blues
À l'origine, le R'n'B (que vous pouvez écrire R&B ou R’n’B) nous vient des États-Unis, et plus précisément des quartiers afro-américains. Le terme rhythm and blues, inventé par les maisons de disque, est venu en remplacer un autre qui datait des années 20 : “race music”. Oui, dans l’Amérique ségrégationniste du début du XXe siècle, il n’était pas question de définir un genre musical, mais de désigner la population qui jouait cette musique, et celle qui l’écoutait.
Et pour cause, Billboard magazine, la référence en ce qui concerne les classements musicaux, avait créé en 1942 le “Harlem Hit Parade” pour parler des succès commerciaux dans les quartiers noirs des USA.
Dès les années 20, on peut toutefois dire que le rhythm and blues, à la croisée des chemins entre gospel, blues et jazz, émerge dans les quartiers populaires des grandes villes américaines. Chicago, Detroit, New York, Los Angeles… un peu partout, des groupes se forment, comme les Harlem Hamfats et leur titre Oh! Red.
Initialement basé sur un piano (et notamment le boogie-woogie), le genre se pare de nouvelles facettes comme des cuivres (trompette et saxophone) et deux instruments à cordes : la guitare et la basse. Dans les villes, le genre, qui donne une voix aux opprimés, explose.
À partir des années 1950, le rhythm and blues fait partie du panorama musical américain, et la population blanche, notamment la jeune génération, tombe amoureuse de ses sonorités. Des artistes comme Little Richard (le père du rock’n’roll), Fats Domino, Chuck Berry ou encore Bo Diddley donnent encore plus d’ampleur au genre.
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Un style musical multiple toujours en mouvement
À la fois moyen d’expression et phénomène musical, le R'n'B se retrouve rapidement distordu de toutes parts. D’une source commune, ce torrent de sons et de talents vient donner vie au rock’n’roll, à la soul, à la funk… Il faut dire que l’utilisation du terme rhythm and blues varie en fonction des décennies. Tantôt synonyme de rythmique, parfois de mouvement social, souvent de soirées endiablées… il est difficile de mettre précisément le doigt sur le début et la fin du genre.
En 1959, avec la fondation de la Motown (contraction de Motor Town, en référence à Détroit, ville où est né le label), la machine à tubes est très loin de perdre en vitesse, bien au contraire ! Rapidement, les bureaux et le studio d’enregistrement de la maison de disques sont surnommés Hitsville U.S.A. Il faut dire que, seulement deux ans après la création de l’entreprise, un premier “numéro un” est enregistré : Please Mr. Postman de The Marvelettes.
Dans les dix ans qui vont suivre ce succès national (le titre est d’ailleurs repris par les Beatles sur leur deuxième album), la Motown place 110 morceaux dans le top 10 des ventes. Parmi les artistes signés, on retrouve des noms légèrement connus comme Diana Ross, Stevie Wonder, Marvin Gaye ou encore les Jackson 5.
À partir de là, le rock’n’roll est d’ores et déjà une branche indépendante du rhythm and blues originel, mais le r’n’b continue son évolution. En 1967, lorsque Aretha Franklin reprend Respect (écrite et chantée initialement par le second), on atteint l’essence de ce qui fera la quintessence du r’n’b : une voix grandiose soutenue par des chœurs, du groove, des influences entre gospel et soul, et un succès populaire gigantesque. À la fois numéro 1 r’n’b mais aussi pop, Respect contribue à briser des barrières et prouve que le genre est bien plus que le terrain de jeu d'une minorité. De plus, féministe mais abordant aussi la question des droits civiques, le titre se transforme en symbole national.
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Un album légendaire
Les années 1970 seront ensuite marquées par le disco et la funk. Malgré tout, un des plus grands albums de l’histoire du r’n’b vient se glisser dans cette décennie avec “What’s Going On” de Marvin Gaye. Vietnam, violences policières, pauvreté… l’artiste, qui est allé au clash avec la Motown pour écrire et produire son album comme il l’entendait, crée aussi un précédent important dans l’industrie musicale en termes d’indépendance. Une nouvelle fois, le titre phare éponyme conquiert le sommet des charts (r’n’b et pop).
Au cours des eighties, les boîtes à rythmes, synthés ou encore les clips MTV font leur apparition et nous rapprochent de notre ère. Les grands noms de l’époque s'appellent Prince, et puisque l’on est sur un champ lexical, un certain King of Pop se lance également en solo avec Off the Wall en 1979 (suivi de Thriller en 81 et de Bad en 87).
Le tsunami hip-hop et le r’n’b moderne
Avec l’explosion du hip-hop au début des années 90, le r’n’b continue sa mue. De nouvelles voix prennent le relais d’Aretha Franklin, Diana Ross ou encore Janet Jackson avec Mary J.Blige, Erykah Badu et Lauryn Hill. Les genres n’en finissent plus de se mêler et, alors que le rap vient prendre plus de place sur les couplets, la néo-soul (de feu D’Angelo) réinjecte une dose de jazz et de funk dans le mix.
Le succès mondial est toujours à l’ordre du jour durant les vingt années suivantes. Beyoncé est au sommet, Usher aussi, et T-Pain popularise l’Auto-Tune. Aujourd’hui, la trap ou encore l’afrobeats influencent grandement le genre. C’est dans cette nouvelle variation que s’inscrit en partie Tayc.
Avec un centenaire derrière lui, le r’n’b (comme de nombreux genres musicaux) est de plus en plus complexe à définir. Rythmique, piste chant, instruments utilisés… les variantes sont infinies, et de Charles Brown à SZA, le grand écart est total. Et pourtant, ils font tous partie de la même (gigantesque) famille. Toujours en mouvement, toujours multiculturel, le R'n'B est une recette continuellement revisitée.
Pour découvrir Tayc et son Afro Love, dernière pousse de cet arbre généalogique démentiel, rendez-vous au Théâtre des Champs-Elysées le 10 novembre pour le Red Bull Symphonic.